Yano Lesage

L’école, n’est autre qu’un réceptacle de notre société. A ce titre, l’agression de la proviseure à Tremblay-en-France, celle d’un enseignant à Calais, mais aussi à Toulouse depuis la rentrée, sont bien entendu véritablement très graves, mais également exemplaires d’une véritable dégradation de la situation économique, sociale, répressive qui touche « en première ligne  » les quartiers populaires où la plupart des cas de violence scolaire sont recensés, mais surtout montés en épingle dans le contexte médiatique et politique actuelle.

Le comprendre, contrairement à ce qu’affirme Manuel Valls, n’est pas excusé. Le comprendre c’est aussi vouloir trouver des solutions autres que celui d’un arsenal politico-judiciaire qui n’a cessé de gagner l’espace public et qui, au profit du contexte d’état d’urgence, commence à pénétrer l’enceinte de l’école. De la Zone Urbaine Sensible, qui renforce les effectifs de police et les contrôles au faciès sur nos jeunes, à l’instauration de gendarmes à l’entrée des écoles, en passant par les tirs de flashballs lors des manifestations lycéennes dans ces quartiers, à la possibilité de voir certains jeunes se faire arrêter en salle de classe par des policiers en plein cours… Non l’école n’est plus, depuis longtemps, un sanctuaire. Et en premier lieu pour nos élèves des quartiers populaires.

Et voilà ce qui dérange dans le discours actuel qui souhaiterait mettre sur un plan d’égalité les policiers comme des fonctionnaires de bases, au même titre que les enseignants. Quand l’école est, aux yeux des élèves, peu à peu assimilée à l’institution policière, non seulement par sa relation avec l’Etat mais également lorsqu’elle accepte d’accueillir, de collaborer avec cette même institution qui contrôle à l’excès ces jeunes, qui n’est pas exemptes de propos racistes, qui poursuit voire qui assassine ces mêmes jeunes, noirs arabes, dans les quartiers… Oui, la méfiance gagne les rangs des classes, et en première instance, vise les professeurs.

Et c’est donc envers et contre ce climat de méfiance voire de défiance à l’égard de toute institution qui a peu ou prou à voir avec l’institution policière que les enseignants, et à priori cette figure dont raffole les médias du « jeune prof fraichement reçu et envoyé au casse-pipe », doit faire face. Quand il n’a pas déjà, de part les représentations stigmatisantes et racistes de ces écoles là véhiculées abondamment par les médias, à surmonter ses propres peurs virtuelles et ses propres a priori. Gagner la confiance de ces élèves là est, pour quiconque a déjà enseigné dans les écoles des quartiers populaires, est primordiale. Cela ne veut en aucun cas, comme viendraient à en décrier les détracteurs, tomber dans le laxisme, dans la « culture de l’excuse », en refusant toute forme de règles qui sont nécessaires au bon déroulement d’un cours en classe.

Les enseignants n’ont donc en réalité rien à attendre pour leurs conditions de travail et d’enseignement d’un renforcement des moyens de la police, de la sécurité dans l’enceinte des écoles et de l’intervention de la police ou des gendarmes au sein des établissements. Ils n’ont également pas grand-chose à voir avec ces policiers cagoulés et armés qui défilent sur les champs pour réclamer –et obtiennent – plus de moyens pour réprimer et tuer dans nos quartiers. La preuve en est : si le gouvernement et Hollande lui-même n’a pas attendu pour recevoir et répondre aux revendications des policiers en question, Najat Vallaud-Belkacem vient quant à elle de répondre d’un ton bien plus ferme aux enseignants : elle invite à porter plainte. Encore une fois, la question des moyens permettant d’améliorer le climat scolaire, de renforcer la présence de travailleurs sociaux, de renforcer les effectifs au sein des équipes enseignantes, tout en réduisant ceux des élèves en classes, ces revendications là, n’ont pas été entendues.