Pour l’augmentation de sa politique coloniale, raciste, de nettoyage ethnique, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou doit trouver des justifications théoriques, en puisant toujours plus loin dans le révisionnisme. D’abord, cet arrangement avec l’histoire est une outrance, et en quelque sorte une démonstration de la force et de l’impunité dont dispose le membre du Likoud. Celui-ci peut se permettre d’expliquer que le mufti de Jérusalem a conseillé à Hitler la solution des chambres à gaz, qui au départ ne voulait pas exterminer les juifs mais seulement les déporter. Ce n’est pas ce qui empêche Merkel de le recevoir juste après ses propos : celle-ci s’étant contentée de les nuancer quant à la responsabilité des nazis dans l’extermination de six millions de juifs.

Ces propos ont néanmoins provoqué des réactions. De nombreux historiens ont pointé le mensonge évident que constituait cette version des faits. Il est connu qu’Hitler évoquait déjà « l’extermination de la race juive » à son discours du 30 janvier 1939 devant le Reichstag, que de nombreux juifs avaient déjà été exécutés avant novembre 41 (les 30.000 de Babi Yar en Ukraine par exemple), et que les tests de gazage avaient commencé en octobre 41, avant donc la rencontre Husseini-Hitler, qui aurait déterminé un changement dans la politique nazie selon Netanyahu.

Cette théorie, s’appuyant sur les thèses du négationniste David Irving, tend à placer le mufti Haj Amin al-Husseini comme le précurseur, le principal responsable de la Shoah. S’il est établi que ce nationaliste palestinien était un antisémite extrême, effectivement partisan de la « solution finale » et qui recrutait des arabes pour les SS, il est considéré plutôt comme un « poids plume », mendiant l’aide d’Hitler pour débarrasser la Palestine du mandat britannique et empêcher la venue de juifs. Inverser les rôles relève de la même logique que les révisionnistes Soral et Dieudonné quand ils inversent les rôles dans le rapport entre Israël et Etats-Unis.Cela permet aussi de passer sous silence le rôle de certains grands patrons américains dans la diffusion des idées antisémites, comme Henry Ford, auteur du torchon antisémite Le Juif International au début des années 1920, et inspirateur d’Adolf Hitler pour le sociologue Michael Löwy.

De même qu’il ne s’agit pas de nier qui était le réactionnaire mufti Husseini, nous ne nions pas non plus la présence de courants antisémites dans la culture arabe, plus ou moins importante selon les époques. Dans son livre « Les arabes et la Shoah », Gilbert Achcar examine les différents courants et idéologies qui ont traversé le « monde arabe », nuançant par le même coup les visions essentialistes de l’Orientalisme qui homogénéisent à outrance ce « monde arabe ». Cette étude minutieuse permet d’invalider la tendance à assimiler les « arabes » à l’antisémitisme, ce qui est un des piliers de l’argumentation israélienne pour justifier sa colonisation militaire : les palestiniens, les arabes, voudraient « l’anéantissement physique » des juifs et de leur Etat [1].

Face au révisionnisme du Likoud, ou aux explications bourgeoises de la Shoah, nous réaffirmons que c’est bien le capital allemand qui est responsable, en ayant mis Hitler au pouvoir, avec l’assentiment des puissances impérialistes satisfaites de la solution trouvée pour écraser les organisations de la classe ouvrière dans les années 30. Ce sont ces mêmes puissances qui ont ensuite mis en place une politique coloniale après 47, avec la création de l’Etat d’Israël, en se servant justement de la Shoah pour justifier cette politique…

[1] : pour approfondir cet aspect, nous conseillons les intéressantes notes de Julien Salingue sur le livre de G.Achcar : http://www.juliensalingue.fr/article-note-sur-les-arabes-et-la-shoah-de-gilbert-achcar-52285544.html