Tepco à la barre

Tsunehisa Katsumata, ancien président du conseil d’administration de la compagnie, ainsi que Sakae Muto et Ichiro Takekuro, vice-présidents, sont jugés à partir de ce vendredi 30 juin pour leur responsabilité dans la catastrophe nucléaire de Fukushima. Si les trois accusés s’estiment non-coupables dans ce drame, de nombreux éléments tendent à montrer que les graves négligences de la compagnie relatives à la sûreté des équipements ont joué un rôle crucial dans le bilan humain et écologique de l’explosion. En effet, depuis maintenant une cinquantaine d’années, les agissements criminels de Tepco sont régulièrement mis au jour : entre mensonges, falsifications, manque flagrant et volontaire de respect des normes de sécurité, la compagnie a délibérément choisi de mettre en péril la population et l’environnement pour optimiser ses marges. Les trois mis en cause, bien qu’ils ne soient pas les seuls responsables, estiment pour leur part que cet accident était impossible à prévoir. Difficile à croire quand on sait que le Japon est à cheval sur quatre grandes plaques tectoniques. D’ailleurs, un rapport interne à Tepco, réalisé en 2008, évoquait déjà la possibilité de ce scénario catastrophe : celui d’un tsunami de 15,7 mètres de haut menaçant l’installation nucléaire. Là encore, Tsunehisa est prêt à tout pour se dédouaner lors de ce procès puisque selon lui « ce rapport s’est arrêté à la direction de la division nucléaire et il [ne serait] pas remonté jusqu’à [lui] ».

6 ans après, quel bilan ?

Les anciens dirigeants de Tepco ont également tenté de minimiser leur responsabilité par le fait que l’explosion nucléaire n’aurait pas directement causé la mort d’employés ou d’habitants. En effet, le tsunami généré par le séisme de magnitude 8,9 tua plus de 18 000 personnes, selon les chiffres annoncés en 2015 par les autorités japonaises, avec 400 000 déplacés. Ainsi, dès l’apparition du séisme, les 6 réacteurs de Daiichi et les 4 de Daini ont été immédiatement stoppés, mais la vague détruira les installations électriques et le système de refroidissement amenant à plusieurs explosions. Cette vague mesurait 15 mètres de haut, c’est-à-dire moins que ce que le rapport interne de Tepco avait déjà envisagé. Ainsi, si cette étude avait été réellement prise en compte, des installations adéquates aux prévisions auraient pu permettre d’éviter la catastrophe, ou du moins d’en limiter les conséquences.

Mais outre les négligences dans la conception de la centrale, la gestion de la crise dans l’année qui suivit le séisme fut elle aussi désastreuse. En effet, entre 2011 et 2012, des interventions improvisées et mal préparées ont été menées par Tepco afin de refroidir les cuves, mettant en danger la vie des travailleurs envoyés sur le site. Mais ces interventions n’ont pas permis d’empêcher le phénomène de fusion, obligeant des milliers de personnes à être évacuées. Et selon l’Agence de la reconstruction, sur les 300 000 personnes évacuées de la zone, environ 1 600 seraient mortes suite aux conditions d’évacuation : épuisement, dépression, aggravation de maladie, manque de logements pérennes, suicides… Reste encore à déterminer précisément quels impacts une telle radioactivité aura sur les écosystèmes et l’apparition d’éventuelles maladies à plus long terme chez les Japonais, comme avec le cancer de la thyroïde lors de Tchernobyl en 1986.