Même situation que dans la restauration

J’obtiens mon premier contrat à durée indéterminée dans un magasin d’une chaîne parisienne. On y travaille le dimanche, puis on enchaîne souvent le lundi. Parfois, on vient travailler juste trois heures, pour fermer le magasin. Certes, c’est le minimum légal. Ainsi, je commençais souvent à 17h. La responsable ne faisait jamais aucune fermeture, même s’il est nécessaire que soit l’adjoint, soit le responsable soit présent. Nous fermions souvent à deux, dans le meilleur des cas, trois. C’était la guerre avec les clients pour pouvoir fermer à l’heure. Les Parisiens, souvent stressés et ne voyant que leur intérêt, insistaient, forçaient pour rentrer, même à l’heure de la fermeture. Difficile de fermer à l’heure dans la capitale, ce qui implique de rentrer encore plus tardivement chez soi. Le soir on nettoyait le magasin, on comptait la caisse, on rangeait le pain, on couvrait les fruits et légumes. Tout ceci en une demi-heure rémunérée. Mais on partait souvent plus tard que plus tôt, et sans être payé pour ces minutes supplémentaires qui font beaucoup sur une année voire même un mois.

Des produits biodégradés

Là où je suis tombée de haut, également, c’est par rapport à la qualité des produits. Suite à un problème électrique récurrent, les réfrigérateurs se coupaient : alimentation laissée jusqu’à huit heures consécutives à 20°, dont la viande… Pour limiter la casse, les pertes, la responsable laissait tout dans le réfrigérateur, malgré les risques. Pareil pour les pains : on commandait tous les jours, mais elle souhaitait laisser tout à plein prix, même une semaine durant. Le résultat ? Des pains durs, d’autres régulièrement moisis. Pareil pour les baguettes précuites, entreposés souvent à température ambiante, pour laisser le frigo vide pour les livraisons : moisissures qu’elle grattait pour les vendre quand même… Evidemment certains d’entre nous protestaient. L’un de mes collègues a subi un harcèlement par la responsable, car il ne fallait pas être en désaccord avec elle.

J’ai démissionné, car je n’en pouvais plus. Lui a négocié son départ. En partant, j’ai envoyé une lettre de cinq pages concernant tous ces abus (sécurité alimentaire, responsable qui ne faisait pas ses heures et jamais là, harcèlement moral de mon collègue, etc.) à la direction, mais rien n’a changé. J’ai également contacté la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes). Sans plus de résultat.

D’un poste à l’autre…

Autre magasin, autre chaîne. Premier élément étrange : deux mois de période d’essai dans le contrat de travail pour une convention collective qui n’en évoque qu’un. Par ailleurs, un « cf. Fiche poste annexe » que je viens seulement d’avoir, après plus de deux ans d’ancienneté. Cette fiche ne convient pas à mon niveau de qualification. En effet, on m’attribue des tâches qui ne sont pas les miennes par rapport à la convention collective (commandes, prise en charge de nouveaux collaborateurs comme si j’étais manager). Je vais devoir envoyer un courrier recommandé pour demander qu’ils la rédigent à nouveau.

Ce n’est pas mon premier souci avec cette chaîne. Je suis formée et qualifiée dans le domaine, j’ai une solide connaissance des produits et une bonne expérience. On m’a un peu baladée pendant un moment. Au départ je travaillais aux fruits et légumes, mais physiquement je ne pouvais plus. J’ai donc évoqué mon souhait de passer sur les cosmétiques et les compléments alimentaires, au vu de ma formation. En parallèle, j’ai fourni un certificat médical pour ne pas porter plus de dix kilos. On m’a parlé d’aménager le poste, mais qu’évidemment ils n’étaient absolument pas obligés de le faire.

Puis le chef de secteur a quitté l’entreprise. Le directeur aussi. Alors, j’ai servi de bouche-trou un peu partout : frais, épicerie, caisse, etc. Un adjoint d’un autre magasin est venu dépanner quelques mois. Il a voulu faire de moi une caissière à temps plein (une collègue caissière avait démissionné quelques mois plus tôt et ils n’ont jamais rembauché derrière, il ne restait donc plus qu’une caissière en temps plein). J’ai fait un arrêt maladie de deux semaines. Ayant plus d’un an d’ancienneté, mon employeur devait compléter les indemnités journalières de la sécurité sociale. Des mois s’écoulent, je fais relancer via ma directrice plusieurs fois. « C’est la mutuelle qui prend du temps », me dit-on. Bref, ils essaient de me faire croire que ce n’est pas de leur faute. Une centaine d’euros se baladent, et ce n’est pas sur mon compte. Finalement je fais une demande de formation de référé aux Prud’hommes. Tout d’un coup on panique aux ressources humaines, on assure me virer la somme à la fin du mois avec mon salaire. Je laisse la procédure courir tant que je ne vois pas de mes propres yeux. Finalement, on me vire la somme, j’annule ma demande aux Prud’hommes. Je pense que beaucoup de collègues n’ont jamais touché leurs indemnités de cet employeur… Où passe l’argent ?

Pratiques anti-syndicales

Les magasins n’étaient pas reliés. La reconnaissance de l’unité économique et sociale qui nous permet maintenant d’obtenir certains avantages d’une boîte de plus de cinquante salariés a été obtenue grâce à un militant CGT. Nous avons donc dû refaire les élections des délégués du personnel, avec la possibilité d’avoir des listes syndicales. Évidemment, la CGT était représentée comme le diable, le militant comme la pire des ordures (menteur, manipulateur, et j’en passe). Et même les employés se montaient la tête. On a essayé de me convaincre de choses au sujet d’une personne que je n’avais jamais vue. On a essayé de me convaincre de ne surtout pas voter CGT. La hiérarchie a poussé certains employés à faire cette sorte de propagande. Des promesses de postes ? Je n’en sais rien. Bref, évidemment, plus on essaie de me convaincre, plus ça m’intrigue, plus j’ai envie d’aller dans le sens opposé. J’ai rejoint la liste en tant que suppléante et j’ai voté CGT.

J’ai repris des études à côté, donc je suis passée à temps partiel, 16h par semaine. J’avais demandé à travailler à 35h cet été. On me dit oui. Puis fin mai, on me dit non, uniquement juillet. Je n’ai plus de bourse en juillet et août. J’ai 250€ de moins par mois. Mon salaire ne paie pas mon loyer à une vingtaine d’euros près. Du coup, c’est ma famille qui me donne des centaines et des centaines d’euros, alors qu’on vient de banlieue et qu’ils vivent en HLM.

Comme partout, sous la domination du capital

Il faut toujours faire des économies sur les frais de personnel, ne pas remplacer ceux qui partent. À l’ouverture de ce magasin, il y avait trois caissières, dont une responsable : il n’en reste qu’une. Ils étaient trois au rayon traditionnel : ils sont deux maintenant. Ils étaient environ une quinzaine en tout, il ne reste plus qu’environ dix personnes, dont une en arrêt maladie et moi à temps partiel. La polyvalence est de mise, pas si loin du hard discount.

Tout le monde en a marre. Aucune perspective d’avenir, d’évolution, à moins de vendre père et mère. Aucune augmentation de salaire (oh si, en fonction de l’augmentation du SMIC et avec peut-être quelques euros bruts par an…). Il ne reste que le dégoût et l’envie de partir. Des clients mécontents de ne trouver personne pour les conseiller, mais qui viennent quand même (il n’y a pas forcément grand chose d’autre dans les alentours). Aucun avantage prévu (pas de tickets restaurants, pas de treizième mois). On avait le droit de récupérer les produits périmés auparavant, maintenant c’est terminé. On est payés au minimum.

Bref, le bio n’a rien d’éthique concernant sa gestion et les employés : beaucoup de gâchis, aucune considération.