Il est 3h20 du matin. Et comme chaque soir je ne dors pas.

Je me suis donc décidée à témoigner au sujet de ce qui m’est arrivé dans le monde du travail.

À 24 ans j’ai été embauchée dans une grande entreprise en tant que vendeuse polyvalente à temps partiel. Ce ne fut pas un choix mais une obligation.
J’étais à la rue, sans diplôme. Mais je vivais de petits jobs, de CDD de « tuc », de « sivp » – contrats précaires qui n’existent plus de nos jours.

À 24 ans, aubaine : je suis donc embauchée 20h, puis 25h, puis 30h par semaine.
Pendant 20ans je me suis pliée a toutes les exigences (horaires décalés, amplitude de 10 heures). Manger à 11h ou 14h30. Commencer à 8h, finir a 20h30.

Ménage – manutention – mise en rayon – cabine – caisse etc… Ratios, étiquetage, caisse. Tout était comptabilisé. Du chiffre, du chiffre… Avec les entretiens mensuels et les jugements : « bon ou mauvais employé »,

bref,
vous voyez.
20 ans à tenir, résister, pas le choix puisque seule à payer mes charges – loyer, EDF, nourriture, médecin… Au bout de 20 ans, usée, malade (1m55, 34 kg).

J’ai craqué (harcèlement ; rendement, brimades, insultes des supérieurs de la direction plus la clientèle) en 2004 ; cancer de la thyroïde. Opération.
Retour au boulot et ça repart de plus belle, encore plus de dénigrements.
Là, on me pousse vers la sortie. On m’enferme dans un bureau avec chef et on ne me lâche pas – « faut partir, vous ne pouvez pas rester. »
On m’a fait signer de force 3 ruptures conventionnelles. À chaque fois, à l’inspection du travail : « vous avez des témoins ? » Ben non. La solidarité, n’y comptez pas.

Direction prud’hommes. Réponse : société trop importante. Vous avez des témoins, courriers de vos collègues ? Ben non, chacun sa croix.

J’ai tenu jusqu’en 2008.
Je me voyais crever a petit feu.
J’ai pensé au suicide de nombreuses fois. Je faisais des malaises au boulot. Un jour je ne suis pas retournée travailler.
Je n’ai plus donné signe de vie.
3 recommandés, licenciement, faute grave.
Depuis je suis en dépression, reconnue travailleur handicapée, je dois faire une demande tous les 2 ans pour toucher l’AAH.
Je suis toujours malade, ma vie est foutue, je vis dans la peur.
Je panique quand il y a trop de monde, j’évite de sortir de chez moi, sauf pour faire un peu de bénévolat.
J’ai 51 ans et je suis morte en octobre 2004.

Pardon ; je dois vous avoir pris la tête, désolée. C’était mon témoignage et je peux vous dire que cela a été dur à vivre, que ça l’est toujours.
Je suis morte en octobre 2004.

Au revoir.