Le scandale est énorme. Mais il ne fera pas la une des journaux français. Et pour cause il pourrait illustrer certains des mécanismes qui expliquent pourquoi « tout le monde déteste la police »...jusqu’au Québec. Car ce qui vient de se passer à Montréal est proprement exemplaire et rappelle furieusement un grand nombre d’affaires antérieures en France, depuis la mise sur écoute du Canard Enchaîné par Giscard ou encore les écoutes généralisés de Mitterrand sur un grand nombre de journalistes dont Edwy Plenel… sans parler d’affaires plus récentes.

Résumons : la presse québécoise enquête sur une colossale affaire de corruption entre les grosses entreprises du BTP (l’équivalent de nos Bouygues et autres Vinci) et le monde politique canadien. Et donc que fait la politique ? Et bien elle écoute les journalistes tout simplement...mais attention légalement, hein ! Au moins 7 journalistes dont certains très connus, l’animateur Alain Gravel de Radio Canada, se sont retrouvés sur écoute à partir de l’automne 2013 par la police de Montréal. Devant le scandale, révélé par la presse, le gouvernement du Québec a annoncé une inspection interne des trois principaux services de police de la province et condamnant la pratique policière autorisée par la magistrature. Mais le maire de Montréal – un député du parti libéral - défend sa police – puisqu’elle le défend lui ! Car le parti libéral est bien évidemment sur la sellette dans cette affaire de corruption gigantesque…

Interrogé sur la possibilité que les services de polices nationaux aient fait de même, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS), les deux corps policiers fédéraux, ont répondu qu’ils ne veulent pas confirmer s’ils ont déjà adopté de telles pratiques. La GRC précise seulement que « les cas où des enquêtes de la GRC concernant des journalistes ont eu lieu sont extrêmement rares ». Le gouvernement Trudeau a déclaré qu’il n’avait pas l’intention de demander à la GRC et au SCRS s’ils pratiquaient des écoutes de journaliste estimant qu’il n’était « pas approprié de commenter sur les questions opérationnelles ». C’est d’autant plus fou que Trudeau se veut « libéral », c’est-à-dire un défenseur de « l’individu » face à l’État...quelle blague !

Edward Snowden, bien placé pour rappeler l’étendu du système d’écoute des télécommunications, non seulement, des journalistes, mais de tous, a rappelé aux Québécois dans une vidéoconférence qu’il était difficile de parler de démocratie dans ces conditions et qu’il s’agissait d’une pente autoritaire extrêmement dangereuse…