Des circonstances floues


« Il n’y a pas eu de véritable enquête jusqu’à présent. L’affaire a été traitée à la va-vite, mais on ne tue pas quelqu’un comme ça ! » s’indigne Jacques Loye, l’un des deux avocats de Line Decoiré, la mère du jeune kanak tué le 29 octobre par la gendarmerie. Il est vrai que, pour l’instant, les circonstances de la mort de William Décoiré restent floues. Celui-ci est mort alors qu’il se trouvait au volant d’une camionnette et qu’il était recherché par la police depuis le 12 juin 2015 pour s’être évadé de prison et ne pas avoir respecté une mesure de semi-liberté.

Au cours d’un contrôle routier, un gendarme lui a tiré une balle dans le thorax. Interrogé, ce dernier invoque la légitime défense, expliquant que la voiture lui aurait foncé dessus. Une version démentie par les avocats. Selon eux, William Decoiré n’a pas « foncé » sur un gendarme, mais c’est le gendarme qui « s’est quasiment jeté devant le fourgon » pour l’arrêter. Ils rappellent notamment que la camionnette roulait en marche arrière à ce moment-là. Ils réclament qu’il soit procédé à une nouvelle reconstitution des faits.

La colère de la population kanake


La mort du jeune homme a suscité beaucoup d’émotion sur le territoire de St-Louis (commune du Mont-Dore) d’où était originaire le jeune homme et provoqué des affrontements avec les gendarmes. Il faut dire que, dans ce territoire colonisé par la France, la présence des forces de l’ordre issues de la métropole, aux méthodes particulièrement brutales, est mal vécue par la population. La prison de « Camp Est » située à Nouméa et dont s’était échappé le jeune homme, est connue pour être la pire prison française.

La pauvreté et la misère sont le lot quotidien de la population kanake de Nouvelle-Calédonie, dont le taux de chômage avoisine les 27%. Régulièrement, la population se révolte face à l’ordre colonial, à l’image des deux grèves générales qui ont eu lieu cet été, sans que jamais l’Etat français ne consente à poser la question du droit à l’autodétermination jusqu’au bout. Il faut dire que la Nouvelle-Calédonie est une base militaire incontournable dans le Pacifique, notamment sur le plan naval et aéronautique, que la France pourrait réquisitionner en cas d’intervention militaire, comme ce fut le cas dans le passé avec les États-Unis. Derrière la mort de ce jeune kanak, au-delà des circonstances précises, c’est en réalité la brutalité de l’ordre colonial français dans l’une de ses dernières colonies qui s’exprime.