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Médias et politiques organisent la grande messe

L’équipe de France en finale. Tous unis ?

Que vous soyez ou non adepte du ballon rond, vous aurez bien du mal à passer à côté de la grande nouvelle du moment, en Une de tous les journaux : la France est en liesse. Et on devra bien avouer, bars bondés et cris de joie nocturnes à l'appui, qu'il y a bien une part de vérité dans cet étalage médiatique. Et si cette fête n'est pas totalement la grande « fête populaire » que prétend le gouvernement, elle pourrait néanmoins être un moment agréable de joie sportive, si derrière les klaxons et les matchs en famille certains ne tentaient pas d'y construire le discours fantasmé d'un président « supporter comme les autres » et d'une France unie et « fière de ses couleurs ». Marah Macna

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François Hollande, ce joyeux luron

La victoire de l’équipe de France en demi-finale fut en effet l’occasion pour les médias dominants de nous dresser le portrait d’un tout nouveau président. Oublié le 49.3 et l’état d’urgence, François est heureux. Photos et vidéos se bousculent pour montrer l’air « bonhomme » du président, jubilant dans les gradins, acceptant selfie sur selfie et inaugurant même un « pogo » avec le président de la Fédération Française de Football, Noël Le Graët.

Quoique de nombreux éditorialistes et sociologues estiment qu’il sera difficile pour lui de remonter la pente de sa côte de popularité désastreuse, la manière dont les médias sont en train de radoucir l’image du président n’est évidemment pas anodine, ni le fruit du hasard. Au milieu du stade Vélodrome, le président aura cherché, sous l’œil bienveillant des journalistes, à faire oublier par une bonne couche de « bonne humeur » (d’après ses propres mots) le bilan de son mandat « socialiste ».

À droite, chacun cherche aussi à se vêtir de la joie de la victoire sportive pour se donner un côté « sympathique » et bon vivant. Nicolas Sarkozy joue dans la sobriété avec un simple message sur twitter : « On est en finale : #bravo #merci #fierdevous », tandis que Alain Juppé se donne une cure de jeunesse : « Hier j’étais sur la fan zone de Bordeaux. Bonheur, euphorie de 40 000 jeunes célébrant la victoire des Bleus. Ça fait du bien. ».

La France unie


Le premier ministre Manuel Valls, quant à lui, fidèle à son poste de l’ordre républicain, retrouvera son ton solennel : « Vive les bleus ! Vive la France ». On pourra lui reconnaître le ton de l’honnêteté. Car il est clair que derrière cette festivité sportive se cache, de part et d’autre de nos frontières, l’occasion de redonner quelques couleurs au nationalisme. Car si l’on peut remercier Griezmann ou Pogba ou se réjouir d’un beau but et d’un bon dribble, c’est apparemment bien la France avec un grand F que nous devrions célébrer, et non la beauté du sport. Drapeau et couleurs nationales sont de sorties, jusque dans nos supermarchés. TF1 diffuse un nouveau slogan de publicité « On est tous de la même couleur ». Les tabloïds vantent les belles et tendres épouses et familles des joueurs. France télévision prépare d’ors et déjà l’épisode 2 du documentaire « Les yeux dans les bleus » diffusé en 1998 lors de la victoire de l’équipe de France. De part et d’autres, le sport devrait donc nous réconforter dans notre fierté nationale, dans ce « nous » inventé pour mieux fermer nos frontières.

La palme du tweet sportif à tendance chauvine revient cependant à Jean-Luc Mélenchon : « Morale du match : l’adversaire invincible n’existe pas pour ceux qui veulent vaincre », a-t-il publié accompagné d’une photo d’Angela Merkel, la chancelière allemande. Une « blague » qui assimile footballers et supporters d’outre-Rhin à la politique de l’État allemand, en les présentant tout deux comme l’ennemi à abattre de la France (« insoumise », d’après lui) qui convient tout à fait à l’ambiance nationaliste de ces derniers jours.

Doit-on donc rêver d’une France unie contre l’Allemagne ? Ou bien contre les politiques des capitalistes, quels que soient leurs drapeaux ? Le leader du Parti de Gauche semble avoir tranché sur la question. De notre côté, face à la déferlante du bleu-blanc-rouge, nous nous sentons bien plus proche du travailleur allemand supporter de football que de nos patrons « bien de chez nous » qui cherchent à se refaire une santé sur le dos des joies du sport.

Manifeste pour un foot sans flic et sans drapeau

Car si cette joie du football existe bien, il est difficile aujourd’hui qu’elle ne sorte du cadre prévu par médias dominants et force de l’ordre étatique. Les supporters présents aux Champs Élysées ont dû l’apprendre à leur dépend, quand ce sont des charges de CRS avec casques et boucliers qui sont venus les déloger. La rue, elle est à qui ? Pour l’instant, à eux, et à cet état d’urgence bien pratique pour la répression. Depuis le début de la compétition, l’Euro aura servi à faire du chantage auprès des cheminots grévistes, ou encore à raccourcir le parcours de la Marche des Fiertés. Si la finale donne l’équipe de France victorieuse, nul doute que certains chercheront, avec succès ou non, à s’en servir pour une troisième mi-temps toujours plus autoritaire et nationaliste.


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