A la veille du lancement d’une première opération de « décasage » dans le cadre de l’opération « Wuambushu » conduite par le Ministère de l’Intérieur à Mayotte, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mayotte, saisi en extrême urgence, a interdit la mise à exécution de la destruction du bidonville Talus 2 situé à Kongou. Selon les ordonnances que nous avons pu consulter, le juge a considéré que les opérations d’expulsion et de démolition constituaient une « voie de fait », c’est-à-dire une atteinte irrégulière au droit de propriété des personnes habitant le bidonville, concernées par ces opérations de démolition.

Pour parvenir à cette décision, le juge retient que la justice administrative, dans une décision du 27 mars 2023, avait déjà suspendu cette même opération en considérant que l’Etat ne démontrait pas la réalité des propositions de relogement pourtant prévues par la loi. Il considère également que compte tenu de l’enchevêtrement de ces habitats, toute opération de démolition, même partielle, aurait de fortes chances de conduire à la démolition de l’ensemble des habitations situées dans un même périmètre, y compris celles à ce jour protégées de la démolition par la précédente décision de justice du 27 mars 2023.

L’intervention de ces deux décisions de justice successives faisant obstacle à la mise en exécution de cette opération, vient révéler les mensonges de Darmanin qui avait affirmé dans un entretien au Figaro : « il va de soi que nous relogeons les personnes, conformément au droit le relogement des personnes ». En effet la préfecture n’avait, lors du précédent contentieux, même pas pris la peine de communiquer ses « propositions de relogement » au juge. De la même manière, les représentants du préfet ont tenté hier de solliciter un report de l’opération à une date postérieure et n’avait pas davantage d’éléments à fournir sur ces « propositions de relogement ».

Cette décision constitue un véritable camouflet pour l’État et le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin dans le cadre de la politique ultra-violente menée contre les immigrés de l’île de Mayotte avec l’opération « Wuambushu ». En effet, avec cette décision de justice, c’est l’une des première étapes importantes de l’opération « Wuambushu » qui vient d’être suspendue. Cette opération militaire commanditée par le gouvernement et menée par des unités spéciales de police (Raid, GIGN, CRS 8…) et près de 1800 policiers prévoit l’expulsion de milliers d’immigrés et la destruction de quartiers informels entiers. Elle s’annonce extrêmement brutale. Ce dimanche, la CRS 8 avait d’ores et déjà fait usage de son arsenal de guerre en allant même jusqu’à tirer à balles réelles face à des jeunes d’un quartier de Tsoundzou.

Cependant, la voie judiciaire ne permettra pas de mettre un terme définitif à cette opération coloniale, ni de freiner la politique brutale de Darmanin contre les immigrés de Mayotte. En effet, dès lors que des prétendues garanties seront apportées sur le respect des droits fondamentaux notamment sous la forme d’un recensement des populations concernées par les expulsions et l’établissement d’une « proposition de relogement », l’opération de « décasage » pourra reprendre. De plus, l’État a d’ores et déjà annoncé qu’il ferait appel de cette décision de justice et le préfet de Mayotte Thierry Suquet a affirmé que l’Etat « n’arrêtera pas » ses opérations. Une décision relayée directement par Darmanin sur son compte Twitter.

Dans ce cadre, seule une mobilisation d’envergure, notamment sur le territoire hexagonal pourra permettre de s’opposer efficacement à cette opération de brutalisation opérée par le gouvernement contre les immigrés de Mayotte. De plus, cette opération servira sans aucun doute de vitrine à un durcissement de la politique migratoire que le gouvernement, Darmanin en tête, entend mener prochainement dans le cadre de la loi immigration. Dans ce contexte il y a urgence à ce que les organisations du mouvement ouvrier et les organisations du mouvement social qui se mobilisent contre le gouvernement et contre la réforme des retraites fassent front contre cette opération et se mobilisent lors des manifestations prévues le 29 avril partout en France contre la loi immigration et l’opération « Wuambushu ».