Quand il s’agit de s’attaquer aux plus précaires, force est de constater que les politiques sont particulièrement disposés à tenir leurs engagements -c’était l’une des promesses de Jean-René Lecerf, président Les Républicains du Conseil Départemental du Nord. En effet, afin de « mieux contrôler les dépenses sociales », le département a lancé une vaste campagne de sanctions envers les bénéficiaires du RSA non inscrits à Pôle Emploi et qui ne sont engagées dans aucun parcours d’insertion. Sur la totalité du département du Nord, ces mesures pourraient concerner jusqu’à 45 000 personnes. Plus de 2 000 sanctions ont d’ores et déjà été prononcées et 5 000 bénéficiaires ont accepté de s’inscrire à Pôle Emploi, selon le Conseil Départemental.

Le discours tenu par Jean-René Lecerf est stigmatisant et réactionnaire. Il s’agit de marginaliser les plus précaires, donnant l’illusion que ces derniers ne veulent pas sortir d’une situation d’assistanat. Cependant, la réalité économique et sociale vient tuer dans l’œuf cette argumentation grossière. Une vérité simple doit d’abord être rappelée : non, il est impossible de vivre dignement avec moins de 400 euros par mois. Voila qui brise assez aisément l’illusion d’une vie confortable, aux crochets de la société. De plus, la situation économique et sociale du département du Nord est l’une des plus dramatiques du pays. En effet, le taux de chômage atteint 12.7 % de la population active au premier trimestre 2016, selon les chiffres de l’INSEE. Un chiffre bien supérieur à la moyenne nationale estimé à 10.5 % en avril 2015. Ces statistiques expliquent en grande partie le refus de s’inscrire au Pôle Emploi de la part de bénéficiaires du RSA. En effet, face à un tel désastre, il semble bien plus opportun de chercher par ses propres moyens un travail, via des agences d’intérim ou des connaissances, plutôt que d’attendre patiemment au Pôle Emploi une solution qui apparaît comme très improbable. Solution qui peut par ailleurs imposer aux chômeurs des emplois jusqu’à 200 km de chez eux, à mi-temps et qu’il est difficile de refuser sans être sanctionné par la patrouille.

Sanctionner et culpabiliser les chômeurs qui « ne font pas preuve de bonne volonté » ; n’offrir aux précaires que plus de précarité dans un contexte de tensions de plus en plus exacerbées dans cette région où le démantèlement de la « jungle » de Calais occupe tous les esprits. Un démantèlement criminel entrepris par Cazeneuve, dont Jean-René Lecerf n’oublie pas de rappeler et d’annoncer les conséquences budgétaires en cette rentrée, insistant sur les chiffres : 700 mineurs isolées qui seront bientôt 900, et le coût journalier de la « prise en charge » qui s’élève à 145 euros par mineur… Un discours bien rodé en cette rentrée politique, pour attiser toujours plus les tensions entre une population locale frappée par des politiques d’austérité et ces migrants frappés par le racisme d’État.

Derrière ce masque stigmatisant et réactionnaire, les réelles motivations de Jean-René Lecerf et sa cliquene s’arrêtent pas à la réduction des dépenses sociales. Il s’agit en réalité d’imposer de force les valeurs néo-libérales du travail. En effet, au travers de formations mais aussi l’imposition pure et simple de certains emplois, le président du Conseil Départemental tente d’appliquer de force la flexibilité au travail, ce qui est renforcé encore davantage par l’embauche en contrats précaires – comme les CDD. Et c’est bel et bien ce que redoutent celles et ceux qui sont concernés par cette odieuse offensive, cherchant d’autres solutions que d’être de la chair à patron malléable à souhait. C’est en ce sens que la politique de Jean-René Lecerf s’apparente à une véritable chasse aux précaires, afin de les soumettre à une exploitation d’autant plus féroce. Quant à ceux qui refusent ce changement, il s’agit de les laisser pour mort, sur le côté de la route.