Hier, Hollande à Versailles les avait tous doublés par la droite, s’appuyant sur la raison d’État et par calculs politiques. A quelques jours des régionales, les Républicains en sortaient alors déstabilisés : Hollande leur avait repris le seul terrain qui lui manquait : celui de la sécurité, dépassant les avancées bonapartistes effectuées précédemment en un nouveau saut qualitatif en la matière. Alors que le FN reconnaît certains des pas fait en avant par le président français mais maintient l’intransigeance de sa stratégie ouvertement xénophobe et anti-Union Européenne, les Républicains risquaient de rester pris en étau entre un Hollande lepenisé et une Marine Le Pen authentique. Cette contradiction politique a donné lieu à une surenchère verbale à l’Assemblée. Comme l’a affirmé un des membre dirigeant des Républicains, ceci n’était pas un dérapage, mais un véritable « choix politique » : « Nicolas Sarkozy et Christian Jacob [président du groupe parlementaire] ont fait le choix de laisser la parole aux plus offensifs, ils pensaient qu’il fallait être hyper agressifs. ». C’est ainsi que les charognards qui s’exprimaient dans les médias ont pu tenir le crachoir dans l’hémicycle : Laurent Wauquiez ou Christian Estrosi, têtes de liste pour les régionales en Rhône-Alpes et Alpes-Maritimes, ont profité de la tribune offerte.

Le Monde décrit ainsi le spectacle qu’ils ont donné à l’Assemblée : « Des huées à n’en plus finir, des commentaires vociférés au cours de presque toutes les interventions de Manuel Valls, des prises de parole polémiques… Que le premier ministre assure que le gouvernement va agir vite, et une voix de droite lui lance : « C’est un peu tard ! ». Qu’il admette ensuite avoir « un regret » et l’opposition lui hurle : « Un seul ?! un seul ?! », couvrant ainsi la fin de sa réponse. Quant à Christiane Taubira, elle n’a même pas eu le temps de commencer à répondre au député socialiste Patrick Bloche (Paris) qu’un « Bouuuuh » puéril s’est élevé des bancs de droite ». Mais Les Républicains n’ont pas l’exclusivité de ce positionnement qui prend la forme d’une surenchère. Par peur de se faire dépasser, Valls est lui-même reparti de plus belle, arguant que c’est au gouvernement Sarkozy qu’il faudrait faire payer la facture, pour avoir diminué le nombre de policiers entre autres « laxismes » qui auraient amené à la tragédie de vendredi dernier. C’est une course à qui sera le plus à droite que mènent entre eux le gouvernement et l’opposition. Il s’agit d’ailleurs aussi pour Valls, qui avait été ovationné par l’Hémicycle après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, de ne pas se faire entièrement évincer du devant de la scène. Car Hollande a cette fois choisi de se mettre au centre et de ne pas laisser briller son Premier Ministre.

Le carriérisme, les querelles électorales et d’ego, voilà bien ce qu’est la réalité de cette classe politicienne corrompue et vulgaire ; et c’est pour cela qu’il ne leur est pas possible de garder plus de quelques jours le visage de circonstance adopté au soir de la tragédie brutale du 13 novembre dernier. Toutes ces petites phrases et ces calculs sont une insulte aux nombreuses victimes et à l’ensemble de la population. Nos mort-e-s, en fait, leur importent peu. Ils et elles ne sont que la chair à canon que ces politiciens utilisent dans leur plan de carrière, leurs tactiques de conquête des meilleurs postes offerts par les institutions de la Cinquième République. Un régime dont l’histoire est composée d’interventions militaires impérialistes, d’attaques contre les libertés démocratiques, de discrimination et de persécution contre les migrant-e-s et les Français-e-s musulman-e-s. Voilà bien toutes les choses qu’il faudra éradiquer pour éviter que des attentats comme ceux qui viennent d’avoir lieu se répètent à nouveau.