Cela fait près de cinq ans qu’Amal Bentousi se bat avec acharnement pour obtenir justice pour son frère, Amine, abattu par un policier en 2012. Le président a directement ouvert le procès en précisant que « toute la question est de savoir s’il peut y avoir légitime défense par rapport à une blessure dans le dos ». Un questionnement qui aura eu don de déclencher un ensemble de justifications abracadabrantesques de la part des policiers. Le commissaire interrogé lance les hostilités : « En général, un policier ne tire pas comme ça gratuitement sur un individu. » Avant de poursuivre, lorsque le président l’interroge sur l’attitude de Damien Saboudjian à son retour au commissariat, répétant qu’il allait « perdre son boulot » : « Je vois où vous voulez en venir, qu’ils seraient plus inquiets pour leur carrière que pour le sort de la victime (...) Mais quand on utilise une arme, on a toujours ce doute de savoir si le tir est légitime. Celui qui dit non est un menteur. » Malgré les preuves accablantes démontrant que le tireur avait abattu Amine dans le dos, le policier fautif garde sa ligne de défense pour le moins ubuesque : « J’ai été braqué, j’ai tiré (...) J’étais entre la vie et la mort. » Peu importe, semble-t-il, que cette version soit absolument incohérente. Mais ce n’est pas le pire.

Le pire, c’est Nadir Dendoune, journaliste et écrivain, qui l’a dévoilé sur son compte Facebook. « Peu de temps après le drame, un barbecue est organisé avec tous les fonctionnaires de police qui ont participé à la course poursuite. Comme pour "fêter" le décès d’Amine » avant de préciser que « pour la première fois, Amal, la sœur de la victime, si digne, fond en larmes ». Une révélation scandaleuse qui en dit long sur le rôle de l’institution policière, bras armé de l’Etat, pour qui l’assassinat d’un homme n’est pas assez dramatique pour annuler un bon barbeuc - voire pire est une occasion de fêter l’événement. Déjà remis en cause et jugés mensongers, les témoignages des collègues du policier incriminé risquent de perdre encore plus en crédibilité. Reste à savoir si cela sera suffisant pour faire plier la justice.

Car jusque là, et malgré des preuves accablantes, la justice a toujours couvert le meurtre d’Amine, remplissant son rôle de couvrir des « bavures » qui n’en sont pas, tant les cas sont nombreux, particulièrement dans les quartiers populaires. Le procès de l’assassin d’Amine doit durer jusqu’à la fin de la semaine, où un jugement définitif sera donné. Pour obtenir justice, il ne suffira pas, comme cela s’est confirmé dans la quasi totalité des affaires de violences policières, de s’en remettre au "bon" jugement d’une justice au service des classes dominantes. Accentuer la pression dans la rue, pour Théo, Adama, Amine et tous les autres, est la seule façon de gagner le bras de fer. Car quand il s’agit pour notre camp social d’obtenir justice, cela ne passe que par le rapport de force.