C’est deux jours avant que le vase a débordé. La filiale de l’enseigne ouvre un dimanche pour la première fois. La colère des employés d’Auchan, latente depuis plusieurs mois, a éclaté le 23 octobre au matin. Sur un total de 297 salariés, une centaine se sont mis en grève devant le magasin, filtrant l’accès au site. "On demande aux salariés de faire le travail des cadres manquants, on assiste à des pressions constantes sur eux, ce qui provoque des situations de stress et de dépression", a annoncéledéléguéCFDTdu personnel. Leurs revendications portent en particulier sur l’embauche de personnel afin de permettre une meilleure répartition du travail, la fermeture du magasin les dimanches matin et la hausse des salaires. Ils dénoncent également une forte pression managériale et des conditions de travail générales qui se sont fortement dégradées ces dernières années. Il s’agit du mouvement social le plus important sur ce site depuis 10 ans, période pendant laquelle plus de 50 postes ont été supprimés.

L’ironie réside dans le fait que les Mulliez, qui détiennent la firme Auchan (et bien d’autres encore), sont classés première fortune familiale de France, avec un patrimoine estimé à 38 milliards d’euros. Ces rois de l’entourloupe fiscale ne paient que 1% d’impôt en France, où ils s’enrichissent sur le dos des travailleurs. Tandis qu’à ces derniers on leur réserve l’austérité, pour les grands patrons ce sont des rémunérations en augmentation, aidées et encouragées par le gouvernement grâce à des mesures telles que la loi Macron ou le CICE. En effet, force est de constater que pour les Mulliez comme pour beaucoup d’autres, la grande distribution est particulièrement lucrative, alors que les conditions de travail dans ce secteur sont sans cesse dénoncées par ceux qui en font les frais.

Les travailleurs d’Auchan ne sont pas les seuls à manifester le ras le bol général qui est de mise dans ce secteur. On se souvient par exemple de la lutte exemplaire des salariés de Carrefour Market dans plus d’une centaine de magasins, dans toute la France. Les grèves successives qu’ils ont menées il y a quelques mois, sur une base revendicative similaire à celle des employés d’Auchan, n’avaient malheureusement pas abouti à des avancées significatives pour les travailleurs. Et ce en raison notamment de l’isolement de leur lutte, qui ne s’est pas propagée dans d’autres grandes surfaces chez d’autres distributeurs. Cette lutte a tout de même montré l’importance de tisser des liens avec les autres magasins, et la nécessité de se lier aux clients pour donner de l’ampleur au mouvement. Et il faut espérer que les grévistes d’Auchan iront chercher l’appui d’autres secteurs afin de visibiliser et massifier leur combat !