Karel Venuvitch

Officiellement prononcé afin de régler les impayés de salaires, le verdict de la cour a déclenché une série d’actions des marins en lutte. 300 salariés, sur les 487, ont manifesté aux abords du port de Calais, en bloquant ses voies d’accès, pour protester contre le lâchage du gouvernement.

Le verdict rendu par le tribunal administratif de Boulogne-sur-Mer est tout sauf une surprise. En effet, au cours de ses trois années d’existence la SCOP Sea France n’a connu que la lutte. Dès 2013, la commission de la concurrence britannique a interdit l’accès au port de Douvres aux navires My Ferry Link, filiale d’eurotunnel exploités par la coopérative. Après une bataille de deux ans, le port de Douvres est réouvert aux navires My Ferry Link le 15 mai 2015. Mais une vingtaine de jours plus tard, Eurotunnel décide de vendre deux des trois navires à DFDS, une compagnie Danoise qui, en 2012 déjà, lorgnait sur le rachat partiel de Sea France. Le verdict du 31 juillet apparaît clairement comme une nouvelle attaque contre les travailleurs de la SCOP, la dernière étape d’un démantèlementcomplet de la flotte de navires My Fery Link.

Alors que la colère monte, les syndicats capitulent

Éric Vercoutre, secrétaire général du syndicat maritime Nord, a jugé que la mise en liquidation de Sea France était « ?une bonne chose pour les salariés. Ils vont toucher leur salaire ? ». Pour lui, il s’agit maintenant de « ?de négocier un bon plan social. Il faut faire comprendre au gouvernement qu’on ne lâchera rien ? ». Il est difficile de capituler plus ouvertement. Les propositions de Vercoutre révèlent non moins clairement son rôle de conciliateur, au détriment des travailleurs, dans le but de canaliser la colère montante des désormais ex-salariés de Sea France en fixant comme horizon d’obtenir un « bon » plan de départ. Depuis 2012, ce sont 800 emplois Sea France qui sont partis en fumée dans la calaisis et une centaine Outre-manche...et le syndicat propose de continuer les charrettes. Dans une région où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale et où retrouver un emploi relève du miracle ?

Mais que font les « socialistes » ?

L’Etat, de son côté, n’a pas accordé de fonds d’aides à la SCOP pendant le conflit, la seule manière qu’il y avait de payer les salariés et ainsi éviter la liquidation. Et le son de cloche ne change pas : « ?Il n’existe aucun fondement légal ou même moral à demander un gros chèque à l’État en dehors des mesures d’accompagnement des salariés que nous souhaitons mettre en place ? » a déclaré Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des Transports.

Quand il s’agit de Pacte de Responsabilité, le gouvernement est moins regardant sur la façon dont les grosses entreprises et les multinationales hexagonales utilisent l’argent qui leur est donné en cadeau.

Alors qu’une réunion doit se tenir à la Préfecture pour permettre « ?aux parties, en présence du liquidateur, du mandataire judiciaire et des services de l’État, de s’accorder sur les conditions d’accompagnement des salariés ? », ces derniers doivent se réunir mercredi ou jeudi pour décider de la poursuite, ou non, de leurs actions. S’il y a bien uneleçon à tirer du mouvement des éleveurs, c’est que c’est uniquement lorsqu’il est poussé dans les cordes que le gouvernement est prêt à lâcher quelque chose.

Jusqu’à il y a peu, la SNCF opérait les ferrys trans-Manche de Sea France. C’est donc bien une décision politique que de cesser le trafic pour mieux démanteler la compagnie et découper le marché des liaisons au profit de différentes compagnies privées En ce sens, il est parfaitement légitime d’exiger la renationalisation de Sea France, sous le contrôle des travailleurs et non des hauts-fonctionnaires. Et cette fois-ci, la moindre des choses serait que l’Etat et legouvernement qui se targue d’une quasi-stabilitédu chômage assure le maintien de l’ensemble des 400 emplois restant ainsi que le paiement des salaires, sans que cela ne doive passer, bien entendu, par un dépôt de bilan de la SCOP.