C’est l’histoire de 45 élèves du 93 âgés de douze ans en sortie scolaire. C’est l’histoire d’une banalité pour des enseignants du 93 qui osent sortir leurs élèves de leur territoire qui leur est assigné. Quelques mois auparavant, les lycéens d’Utrillo à Stains subissaient une discrimination et insultes similaires au musée d’Orsay de la part d’un vigile.

Alors que les enseignants faisaient la visite guidée, la présence policière était importante. Comme le rappelle le communiqué des enseignants « Nous avons croisé le chemin de trois policiers en charge de la sécurité du lieu en vue de la venue de Monsieur le Préfet de Paris et « d’une personnalité ». À la vue des armes des agents de police, comme tout enfant de 12 ans, nos élèves ont été impressionnés et ont demandé aux policiers s’ils s’agissaient de vraies armes. Un des enfants, sans aucune provocation, a mimé un pistolet à l’aide de son index et de son majeur, pointés vers le ciel.
Suite à cela, un policier interpelle un de nos collègues, lui disant que nous devions « éduquer » nos élèves. Un autre, s’adressant directement à l’élève, lui dit « je m’en bats les couilles que tu sois mineur, avec moi c’est direct au commissariat », tout en se frayant un passage parmi les enfants à l’aide de la crosse de son arme. Une réaction de l’agent sur laquelle bon nombre d’élèves se sont interrogés tout le reste de la matinée, sans comprendre (et plein d’amertume justifiée mais maîtrisée quant à eux) pourquoi il avait dit d’eux qu’ils n’étaient pas éduqués. »

Deux enseignants sont alors retournés voir le policier pour demander leur matricule en vue de déposer une main courante. Celui-ci continue ses insultes en affirmant que les élèves de Barbara « ne sont pas éduqués » « que nous ne pouvons pas savoir de quoi ils sont capables ». Ces propos placent les enfants comme n’étant pas "éduqués" du fait de leur origine sociale. De plus, il menace les deux collègues de les embarquer au commissariat.

Ces propos tenus par le policier ont un sens. Ils racontent le racisme structurel de l’Etat, la stigmatisation et le mépris systématique dont fait l’objet cette jeunesse des quartiers en grande majorité racisée.

L’histoire révèle la ségrégation spatiale qui pèse sur nos élèves. Dans ces lieux, ils sont indésirables et subissent souvent le mépris dès qu’ils quittent leur quartier, leur salle de classe.

Une histoire qui intervient juste après l’annonce du « Plan banlieues de Macron » qui viserait à « construire l’émancipation » et redonner aux habitants des quartiers « la dignité dans la République ». Mais évidemment, aucune mesure ne remet en cause à la racine les inégalités de traitement que subissent les jeunes scolarisés dans les quartiers, de la maternelle au lycée. Au contraire, l’institution scolaire organise la reproduction sociale avec une efficacité remarquable. Les moyens dans l’Education prioritaire ne cessent d’être rabotés d’année en année et nos élèves des quartiers populaires sont les premières victimes de la sélection à l’université.

Crédits photos : MARTIN BUREAU/AFP