Le mauvais pari de la direction arrogante de Verizon

La grève durait depuis le 13 avril et constituait la plus grande lutte ouvrière depuis 5 ans. À ses origines une série de mesures que la direction de Verizon espérait imposer sur les salariés : délocalisations des emplois syndiqués vers l’étranger, mutations forcées à l’intérieur du pays, baisse importante de la participation patronale aux assurances maladies. Le mépris et l’arrogance de la direction et des actionnaires du groupe dans les négociations précédant le 13 avril ont été vécus par les salariés en colère comme un défi. Mais le pari de la direction s’est rapidement avéré mauvais.

Dans ses calculs, elle avait énormément sous-estimé la capacité des grévistes à tenir moralement et financièrement. Des documents internes auraient même suggéré que le géant de télécommunications était préparé pour un conflit qui durerait jusqu’à un an. Plus déterminés que jamais, les salariés ont tenu tous les jours des piquets de grève devant les locaux de l’entreprise du haut en bas de la côte est. Ils ont bénéficié d’un véritable déluge de soutien de l’opinion publique – des passants klaxonnant régulièrement depuis leurs voitures et des membres de la communauté les rejoignant sur les piquets de grève – ainsi que d’une solidarité internationale de la part de leurs collègues aux Philippines où Verizon comptait délocaliser des milliers d’emplois pour les rendre encore plus précaires et à bas salaires.

La direction avait surtout sous-estimé la capacité de la grève à faire pression financièrement sur l’entreprise. Au début du conflit les représentants de l’entreprise avaient fièrement fanfaronné que la grève n’aurait aucune conséquence sur ses profits. Or la réalité était toute autre : pas plus de 3 semaines après le début de la grève, l’entreprise a annoncé que son deuxième trimestre serait à risque. « Étant donné le statut des négociations sur la convention collective, une pression s’exercera sur nos résultats au deuxième trimestre », a-t-elle affirmé dans une déclaration écrite. Les actions de l’entreprise ont aussitôt chuté de 5 %. Face à la ténacité des travailleurs en grève et à la possibilité d’une perte encore plus considérable de profits, la direction a décidé de céder à leurs revendications.

Les grévistes obtiennent satisfaction de leurs revendications

Le CWA a annoncé vendredi 27 mai dans un communiqué la conclusion d’un accord de fin de conflit provisoire avec la direction de Verizon. « Les membres du CWA en grève ont atteint notre objectif d’améliorer le niveau de vie des familles de travailleurs, de créer de bons emplois syndiqués dans nos communautés, et de mettre en place une première convention collective pour les salariés des boutiques Verizon », a déclaré le CWA dans ce même communiqué.

Les détails de l’accord ont été rendus publics dimanche 29 mai. Les grévistes sont alors parvenus à faire reculer le groupe et mettre en échec sa restructuration qui ne promettait que plus de précarité. Ils ont obtenu une augmentation salariale de 10,9 % au cours des prochains 4 ans, une prime de 1 000 $ à la signature du contrat de travail, la création de 1 300 emplois syndiqués dans les centres d’appels, et la première convention collective pour les travailleurs des boutiques Verizon dans le secteur sans fils. La direction a retiré ses plans d’imposer des mutations forcées et de réduire le montant des retraites. Les salariés devront tout de même contribuer un peu plus à leurs assurances maladies, rongeant un peu leurs salaires augmentés.

Une victoire encourageante pour le mouvement ouvrier états-unien

La victoire des travailleurs de Verizon devrait encourager des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes qui en ont assez de la précarité, des bas salaires, de l’avidité des multinationales et de payer la crise capitaliste. Alors que le nombre de grèves est en déclin, et la confiance de la classe ouvrière en ses propres forces au plus bas, le conflit chez Verizon montre que les travailleurs peuvent gagner, et pour cela, la grève reste la seule stratégie gagnante.

Cette victoire pourrait avoir un retentissement au sein de l’ensemble du mouvement ouvrier et du monde du travail états-uniens. « Les salariés ont vu dans l’ensemble leur pouvoir de négociation diminuer et leurs salaires stagner depuis longtemps », estime Jeffrey H. Keefe, professeur émérite à l’École de gestion et de relations du travail de l’Université de Rutgers et spécialiste de l’industrie des télécommunications. « Ça pourrait être un véritable coup de fouet pour les syndicats ».

Selon les discours de la caste politicienne et les médias dominants, qui ont très souvent tout simplement passé sous silence le conflit à Verizon, la classe ouvrière aurait disparu et aucune alternative aux politiques d’austérité et à l’exploitation capitaliste n’existerait. Comme en France où l’entrée en grève des secteurs stratégiques du monde du travail commence à prouver tout le contraire, la grève de Verizon est une véritable démonstration de force qui s’inscrit dans un processus de réveil relatif de la combativité ouvrière aux États-Unis, à la suite des grèves des enseignants de Chicago en 2012, des travailleurs des fast-food ou encore de la lutte pour les $ 15. Elle devrait inspirer d’autres secteurs du monde du travail et de la jeunesse qui veulent en découdre dans les mois et les années à venir !