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Répression d'Etat

Un procès « anti-terroriste » pour criminaliser la contestation : relaxe pour les inculpés du 8 décembre !

Ce mardi 3 octobre, s’ouvrait devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le procès de sept personnes pour « association de malfaiteur terroriste ». Une grande offensive qui s’inscrit dans la criminalisation de la contestation sociale par le gouvernement.

Antoine Chantin

6 octobre 2023

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Un procès « anti-terroriste » pour criminaliser la contestation : relaxe pour les inculpés du 8 décembre !

Crédits photos : Victortsu - CC BY 2.0 FR

Sept personnes comparaissaient ce mardi devant le tribunal correctionnel de Paris. Accusés « d’association de malfaiteur terroriste », ce petit groupe d’amis, dont certains ne se connaissent même pas, sont présentés, tant par le ministère public que par le ministre de l’Intérieur, comme le symbole d’une menace terroriste « d’ultra-gauche ». À la base de cette affaire, montée en épingle par la justice et le gouvernement, la volonté de s’attaquer à un militant anarchiste jugé coupable d’être parti combattre Daesh en 2017, aux côtés des combattants kurdes en Syrie. Le reste de l’enquête semble reposer sur des liens divers - amoureux, amicaux, rencontre à la ZAD du barrage de Sivens - que les différents prévenus entretiendraient avec ce militant, et les uns avec les autres.

Un procès politique historique

C’est dans une ambiance tendue que s’est ouvert ce procès. Malgré la volonté de la présidente de la 16e chambre de faire en sorte que le procès se « passe dans les meilleures conditions », la défense n’a pas manqué de soulever les contradictions d’une telle posture.

Dès la mise en examen des prévenus, la défense n’a en effet eu de cesse de dénoncer les failles et les points d’ombre entourant la procédure. Certaines pièces clefs manquent au dossier, comme une vidéo utilisée par les enquêteurs, effacée « par erreur ». Des enquêteurs, qui figurent également comme témoins, refusent de comparaître devant la juridiction. Des écoutes et des sonorisations ont été effectuées sans contrôle de magistrat. Des prévenus incarcérés plusieurs mois malgré un dossier lacunaire. Des arguments qui soulignent un traitement d’exception, face auxquels les magistrats du parquet n’hésitent pas à accuser les avocats des prévenus de « sur-activisme » et de vouloir faire de ce procès, « le procès de la DGSI et du renseignement intérieur ».

Or, la nature des faits reprochés démontre toute l’absurdité des machinations fantasmées par l’appareil de renseignement. La DGSI et les magistrats saisis de l’enquête, reprochent à certains inculpés de détenir illégalement quatre armes dont la dangerosité pose question : un fusil acheté lors d’un vide grenier et trois carabines utilisées pour faire fuire des animaux ou à des fins esthétiques. Le tout sans presque aucune munition. Ils reprochent également la pratique régulière de l’airsoft par trois des sept inculpés, y voyant un moyen de se préparer au combat, malgré la légalité de cette activité. La confection de pétards et de petits explosifs artisanaux, alors que Florian D. était sous la surveillance des services de renseignement, a en outre attisé les obsessions de l’appareil répressif. Des quantités d’explosifs pourtant infimes, qui ne seront produites que deux fois au cours de l’enquête, dans des contextes de retrouvailles ou conviviaux. La second et dernier pétard sera produit pas moins de huit mois avant les arrestations du 8 décembre.

En outre, la DGSI et le PNAT criminalisent l’usage de messageries cryptées par les membre du groupe, tel que WhatsApp, Signal ou Telegram, estimant que ces canaux de communication signaleraient un « comportement clandestin » ainsi qu’une « culture du secret » qui masquerait des ambitions terroristes. Une paranoïa d’Etat commode, qui s’ajoute aux poursuites pour « refus de communiquer ses conventions de déchiffrement » contre trois des inculpés

La faiblesse du dossier et la nature des accusations ne peut qu’évoquer le fiasco de l’affaire de Tarnac. Après 10 ans d’acharnement policier et judiciaire, les accusations de terrorisme qui avaient bouleversé la vie des militants mis en cause avaient fini par tomber, avant que ces derniers ne soient relaxés. Le déroulement du procès, les multiples contradictions dans les éléments « incriminants » et la faiblesse de l’accusation s’inscrivent dans cette lignée, et dans une volonté claire de criminaliser des pans entiers du mouvement social.

Le « groupe » du 8 décembre

L’affaire débute le 8 décembre 2020, lorsque la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) lance un large coup de filet à travers la France métropolitaine, et interpelle neuf personnes. Ces arrestations font suite à une information judiciaire qui avait été ouverte par le Parquet national antiterroriste (PNAT), sur la base d’une note la DGSI qui alertait sur les activités d’un militant anarchiste, Libre Flot, revenu en France après être allé prêter main forte aux forces des Unités de protection du peuple (YPG), qui combattaient alors l’État Islamique en Syrie.

Les services de renseignement intérieur avaient mis ce militant, Libre Flot, sous étroite surveillance à son retour. Entouré d’amis rencontrés sur la ZAD de Sivens et de compagnons de route préférant la nature à la ville, Florian D. a le projet de fabriquer des jus de fruit artisanaux. La DGSI, elle, y voit plutôt « un groupe violent » en formation, projetant de « commettre des actions de guérilla et des actions violentes contre des cibles institutionnelles », principalement sous le motif que les membres de ce groupe adopteraient un « comportement clandestin ».

Le PNAT et les enquêteurs peinent cependant à rassembler des preuves à même d’alimenter leur récit. Malgré des écoutes téléphoniques et des sonorisations, aux frontières de la légalité et du respect de la vie privée, les nouvelles pièces à charge contre le groupe sont presque inexistantes. Malgré cela, lorsque Florian D. souhaitera partir à l’étranger, les acteurs de l’instruction, dans ce qui semble être une fuite en avant, prennent la décision de l’interpeller et d’élargir l’opération à dix autres personnes, dont sept seront mise en examen et poursuivies.

« Sous-entendus, insinuations, exagérations et comparaisons douteuses »

Même Le Monde note combien, face aux très nombreuses faiblesses de ce dossier, « les services d’enquête, le parquet et le juge d’instruction semblent, à la lecture des documents, multiplier les sous-entendus, insinuations, exagérations et comparaisons douteuses. » Pour ces derniers il semblerait que, lire des auteurs anarchistes et révolutionnaires ou arborer un tatouage « ACAB » serait synonyme de terrorisme.

C’est également tout un mode de vie qui est mis en accusation par les services de renseignement et l’État. Lorsqu’en audience, le 4 octobre, l’un des prévenus raconte s’être installé à la campagne, pour cultiver un potager et peut-être élever des animaux, le parquet y voit le signe d’une radicalisation. Ce dernier attendrait l’effondrement de la société et se serait mis en colocation avec Florian D. pour s’y préparer… Un autre prévenu, qui explique vouloir lutter depuis sa jeunesse contre le racisme, l’homophobie ou le fascisme, est sommé d’expliquer la signification du mot « lutte ». Les enquêteurs voient également, dans le voyage, effectué par le même prévenu, en Colombie, la preuve que ce dernier souhaitait préparer un coup de force armé, rejoignant des groupes paramilitaires dans la jungle. Des accusations complètement balayées depuis, face auxquelles il a dû une nouvelle fois se justifier de longues minutes devant les juges ce 4 octobre.

Un mépris des machines policières et judiciaires contre le groupe et leurs convictions, auquel s’ajoute toute la violence de l’appareil répressif qui s’est abattue contre eux depuis le 8 décembre 2020. Dès leur arrestation, les sept inculpés ont été placés en détention provisoire, sous des régimes particulièrement violents. Outre les nombreux mois de détention DPS (détenu particulièrement signalé) ou d’isolement - pas moins de 16 mois subis par Libre Flot sous ce régime - des fouilles a nu ont également été pratiquées à l’encontre de l’une des inculpés. Des mesures assimilables à de la torture blanche, issues de l’arsenal légal utilisé contre les personnes incarcéré, assimilée à des terroristes.

Des échanges révélateurs de ce qui est mis en cause dans ce procès politique : le fait même de s’opposer à ce système et de lutter contre, dans les manifestations, les ZAD, etc… Le PNAT ne s’en cache pas puisque parmi les motifs avancés par le juge d’instruction, les 7 prévenus se voient accusés de vouloir s’attaquer à « l’oppression et au capitalisme »... Une procédure au service de la criminalisation du mouvement social, qui s’inscrit dans la continuité directe de la répression violente des mobilisations écologistes et sociales, de la rhétorique sécuritaire de Darmanin contre les « écoterroristes », mais marque un saut avec cette nouvelle mise en examen pour terrorisme de militants 15 ans après le début de l’affaire Tarnac.

Face à un tel procès politique, la mobilisation contre la répression des inculpés du 8 décembre doit être la plus large, et les organisations du mouvement ouvrier et du mouvement social doivent dénoncer cette attaque et exiger la relaxe de l’ensemble des prévenus. Dans le même temps, alors que le procès des mobilisations de Sainte-Soline est encore en cours et que de nombreux jeunes révoltés des quartiers populaires dorment encore en prison, il y a urgence à construire une grande contre la répression d’État et pour l’amnistie de tous les condamnés.


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