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Pollution chimique

Un tiers de l’eau potable contaminé par les résidus d’un pesticide selon un rapport

Selon un rapport édifiant de l’ANSES, les sources d’eaux françaises seraient largement contaminées, dont un tiers par des résidus d’un pesticide potentiellement cancérigène. Un scandale sanitaire hérité de pratiques agricoles et industrielles destructrices, toujours portées par le gouvernement malgré la façade du « plan Eau ».

James Draoust

10 avril 2023

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Alors que le gouvernement réprime les manifestants qui se mobilisent contre l’accaparement privé de l’eau à Sainte Soline, menace de dissolution les Soulèvements de la terre, et tente de jouer les sauveurs de l’eau avec son « Plan Eau », les données sur les destructions engendrées par la gestion pro-patronale des ressources en eau s’accumulent. Après le récent scandale de la pollution industrielle aux « polluants éternels », l’Anses (agence de santé publique) publiait le 6 avril une nouvelle étude accablante.

En effet, ce rapport mené sur 20% de l’eau potable distribuée en France avait pour objectif d’analyser la présence de nombreux pesticides, résidus d’explosifs et d’un solvant cancérigène. Les résultats sont sans appel. Parmi les 157 pesticides mesurés, 89 ont été détectés au moins une fois dans les eaux brutes et 77 dans les eaux traitées. De même, 10% des échantillons d’eau ont relevé des résidus d’explosifs, datant à la fois des guerres mondiales mais aussi de l’activité industrielle des sites d’armements. Pour le solvant, 8% des échantillons d’eau portaient une marque de sa présence.

De plus, le rapport révèle la présence de traces d’un pesticide, présent dans plus d’un échantillon sur deux et surtout au-dessus des normes dans un tiers des échantillons : le métabolite (résidu chimique) du chlorothalonil R471811. L’Anses indique ainsi que l’eau distribuée dans des zones densément peuplées est contaminée, comme dans le bassin parisien ou le Grand Ouest.

Le chlorothalonil : un pesticide supposé cancérigène aux conséquences encore inconnues

Vendu par le semencier suisse Syngenta, ce pesticide fongicide a été largement utilisé, depuis 1970, pour cultiver céréales, vignes, betteraves sucrières, patates mais aussi produits phytopharmaceutiques à usage non agricole. En termes de pollutions massives et d’impacts meurtriers, Syngenta n’en est pas à ses débuts.

Grand opposant de l’agriculture biologique et défenseur des pesticides, le patron de Syngenta Erik Fyrwald s’était en effet déjà illustré en 2021 dans l’affaire des « paraquat papers », la révélation de la mort de plus d’une dizaine de milliers de personne à cause de l’ingestion du gramoxone, un pesticide très toxique.

Suspecté d’être au courant de la toxicité de son produit depuis au moins 1975, il avait alors assuré que les inquiétudes sur ce pesticide n’étaient que « des allégations infondées sur les niveaux de sécurité de son produit » dans un entretien au journal Le Temps. En réalité, une enquête de Public Eye, basée sur les déclarations de Jon Heylings, un ancien scientifique de la firme, a révélé que l’entreprise s’était consciemment basée sur des données frauduleuses pour défendre son produit. Pour finir, une note interne de 1988 confirme cette volonté avec un argument, aussi effroyable que scandaleux : « aucune des formulations alternatives actuellement disponibles n’offre une solution économiquement acceptable au problème du suicide ».

Bien que le gramoxone et le chlorothalonil soient deux pesticides à la toxicité et aux propriétés chimiques différentes, il ne faudrait pas relativiser la dangerosité du second comme peut le faire le journal Le Point->https://www.lepoint.fr/societe/eau-potable-contaminee-au-chlorothalonil-pas-d-affolement-06-04-2023-2515246_23.php] dans un article de Géraldine Woesnner, défenseure des pesticides déja épinglée.

Interdit et classé « cancérogène supposé » en 2019 par l’Union européenne, il y a en réalité très peu d’enquêtes sur l’impact de ce pesticide sur la santé. Dans un rapport de l’Anses de 2017, il a été identifié comme susceptible de provoquer des troubles respiratoires, une allergie cutanée et des graves lésions des yeux. Son métabolite, qui a été retrouvé à des seuils alarmants dans un tiers des échantillons étudiés, est quant à lui classé « pertinent » par l’Anses, c’est-à-dire qu’il est potentiellement problématique, même si ici aussi les données sont très lacunaires.

Augmentation du prix de l’eau : patrons et gouvernement veulent nous faire payer la crise

Si des incertitudes existent sur les risques de ces résidus de pesticides pour la santé, une chose est sûre : c’est la population qui va en payer les conséquences. Potentiellement sur sa santé mais de manière certaine sur son porte-monnaie. Mickaël Derangeon, vice-président d’Atlantic’Eau, explique ainsi au Monde que « La mise à niveau des filières de traitement [afin de se débarrasser des résidus de chlorothalonil] pourrait renchérir le prix de l’eau jusqu’à 50% pour les usagers de Loire-Atlantique ». Par ailleurs, les méthodes de traitement de l’eau susceptibles d’être efficaces contre ces polluants causent des pertes non négligeables. Une catastrophe dans un contexte de raréfaction des ressources en eau et de sécheresses historiques.

Les patrons comme celui de Syngenta peuvent ainsi amasser des profits, mettant en danger la santé des travailleurs qui utilisent leurs produits et les produisent, et polluant massivement les ressources en eau avec des impacts potentiels pour l’intégralité de la population. Pas d’inquiétude pour le patronat : les coûts aussi bien financiers qu’humains seront reportés sur la population, avec l’aide complaisante de l’Etat.

Une dynamique illustrée parfaitement par la récente intervention du ministre de l’agriculture Marc Fesneau au congrès de la FNSEA. Ce dernier y a en effet demandé à l’Anses de revenir sur sa décision d’interdire un pesticide retrouvé dans de nombreuses nappes phréatiques. Le « Plan Eau » du gouvernement va exactement dans le même sens, en mettant sous le tapis la question de la pollution de l’eau par les industriels, pour mieux se concentrer sur une surtaxation qui va impacter les plus précaires. Ce même gouvernement bloque par ailleurs la publication d’un rapport sur la contamination aux polluants éternels de l’eau en France.

C’est à cette logique qu’il faut s’attaquer, en exigeant la totale transparence sur ces différents produits par la publication par leurs producteurs de tous leurs documents internes. De même, il faut exiger que le travail d’évaluation des risques soit réalisé en toute indépendance, grâce à des fonds arrachés au patronat, et que la dépollution des eaux et des sols soit financée de la même manière.

Alors que le gouvernement s’acharne contre ceux qui s’opposent un peu trop fort à cette logique comme à Sainte Soline, il est nécessaire de faire front contre la répression pour porter ce programme, et de s’opposer aux arnaques gouvernementales telles que le « Plan Eau ». Mais il est surtout urgent de s’allier avec les secteurs du monde du travail en lutte pour imposer ce programme par la grève, et faire payer les patrons pollueurs et leurs auxiliaires gouvernementaux dans une situation de crise politique importante ouverte par la mobilisation contre la réforme des retraites.


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