Dix secondes. Ca paraît court. Ca aura pourtant suffit à l’auteur de la vidéo pour réaliser ce que la loi définit comme « un acte à caractère sexuel sans pénétration commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise » passible de sanction. En dix secondes il reproduit un schéma malheureusement trop classique : la femme objet de désir et victime d’une violence sexuelle non-consentie, expression de la soumission de la femme face à la puissance de l’homme, relevant d’une logique patriarcale, et le tout pour faire rire (!).

Alertée, Anaïs Bourdet incite tous ses contacts à signaler le contenu de la vidéo à Facebook. Mais celle-ci « n’enfreint pas les standards de la communauté » établis par le réseau social qui laisse la vidéo en circulation. Les standards de la communauté Facebook, pourtant bien décrits dans leur « Espace Assistance » comprennent notamment, selon leurs propres mots, « tout contenu menaçant ou encourageant à la violence ou l’exploitation sexuelle ». On lit un peu plus loin qu’il s’agit entre autre de contenu relatant des « agressions sexuelles » dont « des photos et des vidéos mettant en scène des actes de violence sexuelle ». A savoir que les contenus signalés sur Facebook sont examinés par des modérateurs, plus ou moins spécialisés dans le domaine concerné, qui analysent le contenu et son adéquation avec ces standards. On se demande ce qui a pu échapper au modérateur concerné, de la violence ou du caractère sexuel de l’agression, dans cette vidéo pourtant explicite...? Cette affaire n’apparaît que comme le reflet d’un état d’esprit général tendant à minimiser les violences faites aux femmes, du harcèlement jusqu’au viol.

Au final, c’est l’intervention de Pascale Boistard, secrétaire d’Etat chargée des Droits des femmes, qui a permis le retrait de la vidéo de Facebook en 24 heures et la fermeture du compte de son auteur présumé. Coup de pub de la part d’un gouvernement en mal de popularité à la veille des régionale et qui cherche à se refaire une santé sur le terrain du sexisme ? Au passage, Madame Boistard ne s’est pas privée de faire de la pub pour la très répressive plateforme PHAROS, incitant à la délation par le signalement de contenu sur internet, favorisant ainsi la surveillance des internautes. On voit mal comment ce dispositif pourrait permettre des progrès dans le domaine des agressions sexuelles, quand on sait que seulement 11% des victimes de viol portent plainte, du fait du sentiment de honte et de culpabilisation entourant cette agression, mais aussi de l’accueil des policiers prompts à remettre en questions les faits, et qu’en 2009 seulement 31% des plaintes pour viol ont abouti à une condamnation effective.