Dans la discussion, de multiples références à la grande lutte du printemps contre la loi travail, de la répression des manifestants – avec des centaines de blessés, jusqu’aux deux éborgnés de Rennes (le 28 avril) et Paris (le 15 septembre) – aux interdictions de manifestations et à l’usage du 49.3. Amel Dahmani, déléguée Sud CT 93 et agent à la mairie de Saint-Denis, a pu revenir sur l’expérience de Nuit Debout dans cette ville, les tentatives de délogement par la police, la solidarité locale, et notamment avec les habitants victimes de l’assaut du RAID qui date d’il y a un an jour pour jour mais n’a toujours pas été suivi de solution de relogement pour les riverains.

Ce croisement entre le mouvement social et les quartiers populaires était aussi au cœur de l’intervention de Guillaume Vadot, enseignant victime de violences policières et membre de la rédaction de Révolution Permanente. Répondant à la question souvent posée « Que fait la police ? », il a détaillé les formes de violences et de répression vécues ces derniers mois, et depuis bien plus longtemps, dans les entreprises, dans les quartiers, par les populations racisées. L’évolution de l’armement, du cadre légal dans lequel se place l’action des forces de l’ordre (actuel), qui témoigne de continuités dans le rôle de ces dernières (« maintenir chacun à sa place dans une société inégalitaire et injuste ») mais aussi d’évolutions qui sont à comprendre dans le cadre de la crise économique prolongée et la manière dont elle provoque un épuisement de la légitimité du système politique actuel.

La troisième intervenante, Karine Monségu, de la CGT Air France, est revenue sur « la journée du textile » qui a tant fait parler, il y a de cela un an. Et, à travers l’événement « de la chemise », le mépris de la direction du groupe, le piège tendu ce jour-là par les policiers, mais aussi la violence des 14.000 suppressions d’emplois en dix ans dans un groupe qui pourtant fait des profits. Face à cela, la nécessité de poursuivre, d’affirmer par la lutte que la stratégie de terreur de la direction ne passe pas, sans jamais déconnecter les revendications démocratiques des revendications sociales.

Le débat bien vivant qui s’est ouvert ensuite se situait au cœur des questions du moment, ouvertes par le mouvement du printemps sans toujours les résoudre, celles qui germent de l’expérience qui a suivie. Entre ZADs, cortèges de tête et stigmatisation des « casseurs » par les médias comme les directions syndicales, que penser de la légalité et des limites qu’elles imposent aux mobilisations ? Et, face à des classes dominantes décidées à passer à la méthode forte et ayant entre les mains tout un arsenal répressif, policier mais aussi judiciaire, comment construire l’unité des différents secteurs sociaux faisant face à ces répressions ? C’est en ce sens qu’a été mentionné à plusieurs reprises la tribune « Contre le coup de force », parue le 28 octobre dernier et signée par plusieurs dizaines d’intellectuels, de syndicalistes et de représentants de familles de victimes, et qui se terminait par un appel à faire front pour « une défense unitaire des droits démocratiques ».