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Génocide

Gaza coupée en deux : les nouveaux buts de guerre de Tsahal se précisent

Après l’annonce du plan de Netanyahou qui ratifie le contrôle total d’Israël sur la Palestine, des images satellites font état de la construction d’une route fortifiée au sud de Gaza City qui diviserait l’enclave en deux. Alors que le spectre d’une nouvelle Nakba plane sur Rafah, les objectifs coloniaux de la guerre se précisent.

Enzo Tresso

26 février

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Gaza coupée en deux : les nouveaux buts de guerre de Tsahal se précisent

Alors que le premier ministre Benjamin Netanyahou a présenté, vendredi 23 février, ses propositions au sujet de l’avenir de Gaza, des images satellites publiées par le Wall Street Journal, font état de la construction d’une route de huit kilomètres de long au sud de Gaza City qui devrait couper l’enclave en deux. Une base de gravier est en train d’être posée sur le tracé de la route tandis que des opérations sont en cours pour détruire les habitations à proximité.

La construction d’une nouvelle ligne de fortification au sud de Gaza semble ainsi préparer la prochaine phase de la guerre. Si les troupes coloniales de Tsahal avaient, depuis début janvier, pour objectif tactique de prendre le contrôle de Rafah et du corridor de Philadelphie, sous souveraineté égyptienne, la construction d’une route est-ouest vient compléter le dispositif prévu par le plan soumis ce vendredi au cabinet de guerre.

Les préparatifs du siège de Rafah s’accélèrent

Entre autres dispositions, le plan prévoit la création de deux zones tampons. Une première zone séparerait définitivement l’enclave de l’Egypte : une bande de terre au sud de Rafah passerait ainsi sous contrôle israélien et permettrait à Tsahal de maîtriser tous les points d’accès à l’enclave. Un second no man’s land viendrait redoubler les fortifications déjà existantes à la frontière entre Gaza et Israël. Alors que les soldats israéliens détruisent au nord et au centre des quartiers entiers pour libérer le terrain nécessaire à l’établissement de la zone démilitarisée, la construction de la zone-tampon au sud impose de prendre contrôle de Rafah et de procéder à l’invasion terrestre de la ville où près d’1,5 millions d’exilés ont trouvé refuge.

Lire aussi : Le plan Netanyahou : vers un contrôle total de la Palestine

Si la ligne tactique que suivront les opérations génocidaires de Tsahal à Gaza est pour l’heure encore floue, il semble qu’Israël prépare la prochaine phase de la guerre. Conscient qu’une invasion terrestre de Rafah susciterait l’exode de masse des réfugiés gazaouis, les forces de Tsahal semblent anticiper les futurs mouvements de population. Comme le note l’Orient le Jour, « ce réaménagement territorial pourrait générer une forme de corridor militarisé avec des checkpoints, contribuant à empêcher le retour d’environ un million de Palestiniens vers le nord de Gaza ». Si l’invasion terrestre de Rafah exilerait probablement une partie de la population gazaouie vers le Sinaï, il est probable que les mouvements de troupe israéliens contraignent une autre partie à revenir vers le nord. Dans ces conditions, la route fortifiée construite en toute hâte au sud de Gaza City servirait de rempart. La zone centrale de Gaza risquerait ainsi d’accueillir l’essentiel des déplacés. Alors que l’Egypte construit un camp à ciel ouvert dans le Sinaï, capable d’accueillir plus de 100 000 réfugiés, le centre de la bande de Gaza pourrait accueillir provisoirement une partie des Palestiniens rejetés en direction du nord.

D’autre part, la séparation de l’enclave en deux zones renforce l’hypothèse d’une colonisation partielle du nord de Gaza. Tandis que le plan soumis au cabinet de guerre planifie l’établissement d’un gouvernement technique palestinien, chargé de la seule gestion des affaires courantes, et confie les tâches exécutives et policières à Tsahal, le contrôle colonial de l’enclave s’accompagnera probablement d’une nouvelle diminution du territoire de Gaza : la construction des deux zones-tampons amputera le territoire d’une partie de ses marges alors que la séparation de Gaza City du reste de la bande pourrait présager d’une recolonisation ultérieure du nord, largement plébiscitée par l’opinion public israélienne.

L’armée israélienne éparpillée sur trois fronts

Toutefois, les opérations israéliennes dans la bande de Gaza connaissent des revers significatifs alors que les forces de Tsahal sont éparpillées sur trois fronts différents. Si l’armée affirme avoir éliminé 10 000 combattants du Hamas et démantelé 18 des 24 bataillons du groupe, les forces opérationnelles du mouvement palestinien semblent encore importantes. En dépit de la diminution du nombre d’attaques directes contre les forces coloniales à Gaza, certains analystes se montrent méfiants à l’égard des déclarations de l’armée israélienne : si le Hamas est moins agressif, ce ne serait pas seulement en raison des pertes structurelles que Tsahal lui aurait infligées mais d’une nouvelle orientation stratégique.

Comme le note le New York Times, « le commandement du Hamas, d’après des membres de la diplomatie occidentale qui demandent à rester anonymes car ils n’ont pas l’autorisation de s’exprimer publiquement sur cette affaire, juge que la préservation de la moindre force combattante qui survivrait à la guerre représenterait une victoire ». Alors que la 401ème brigade avait pris Gaza City en une semaine en octobre, l’armée israélienne est aujourd’hui contrainte de redéployer des forces au nord de l’enclave. Le renseignement israélien estime ainsi à 5000 soldats le nombre de combattants du Hamas encore présents aux alentours de Gaza City tandis que des rapports signalent que le Hamas aurait recommencé à payer certains de ses fonctionnaires et reconstruirait certaines administrations. Des brigades israéliennes sont ainsi mobilisées aux alentours de l’hopîtal Al-Shifa qui avait déjà été brutalement assiégé pendant la deuxième phase de la guerre.

Lire aussi : Course à l’abîme : la « troisième phase » de la guerre à Gaza

À Khan Younès, les forces israéliennes découvrent un réseau de tunnels souterrains d’une superficie sans précédent. D’après Amos Harel, analyste militaire pour Haaretz, « l’armée est très agressive là-bas sans rencontrer beaucoup de résistance de la part de l’adversaire ». Les forces du Hamas se terrent et attendent que l’armée israélienne s’épuise à tenter de pacifier la zone. Les campagnes d’arrestation se poursuivirent tandis que les soldats détruisent méthodiquement les immeubles et les habitations des Palestiniens exilés.

À Rafah, l’armée israélienne se prépare à affronter, selon ses propres estimations, près de 10 000 combattants du Hamas. Toute attaque contre la ville, dernier refuge de la population gazaouie, ne pourra se solder que par des massacres : la quasi-totalité de la population de l’enclave y est entassée tandis que les conditions sanitaires et humanitaires y sont apocalyptiques. L’invasion de Rafah signalera le début d’une nouvelle phase de la guerre.

Netanyahou tente de faire face à une crise sans précédent

L’annonce soudaine du plan de Netanyahou intervient quelques jours après la publication d’un sondage désastreux pour le gouvernement. D’après l’IDI (Institut démocratique d’Israël), la majorité des Israéliens ne semblent, en effet, plus croire à la « victoire totale » de leur armée sur le Hamas. Seuls 38,3% des interrogés jugent que le succès de Tsahal est « très » ou « moyennement » probable.

Les doutes s’emparent également de l’état-major. L’ancien chef d’état-major de Tsahal, Gadi Eisenkot affirme ainsi, dans une lettre transmise au cabinet de guerre la semaine dernière, que « l’armée israélienne rencontre une difficulté croissante à atteindre les objectifs de guerre ». Il accuse notamment le gouvernement de n’avoir aucune vision stratégique et de naviguer à l’aveuglette, de coup tactique en coup tactique : « Les grandes lignes stratégiques de la guerre sont au point mort. Aucune décision déterminante n’a été prise en trois mois. La guerre est menée en fonction d’objectifs tactiques, sans que des mesures significatives ne soient adoptées pour atteindre les objectifs stratégiques ». L’ancien général avait déjà souligné l’aveuglement du gouvernement à la mi-janvier, auprès du Times of Israël : «  Quiconque parle de la défaite absolue [du Hamas à Gaza] et du fait qu’il n’a plus la volonté ou la capacité de nuire à Israël ne dit pas la vérité. C’est pourquoi nous ne devons pas raconter d’histoires à dormir debout ».

Loin de témoigner d’une quelconque opposition au projet colonial, la perte de confiance de l’opinion publique israélienne semble pousser Netanyahou à la surenchère. L’annonce du plan pour l’avenir de Gaza en témoigne : alors que le premier ministre, menacé par plusieurs affaires judiciaires, est confronté à une hostilité populaire toujours croissante, l’annonce des nouveaux objectifs a tout d’une tentative désespérée pour le protéger d’un désaveu total. Netanyahou choisit la stratégie du pire : placer la Palestine sous le contrôle total de l’Etat israélien et réduire à néant la population gazaouie dans l’espoir de contenter l’opinion publique israélienne et de se maintenir au pouvoir.


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