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Précarité étudiante

Macron dénonce l’idée d’un revenu étudiant et appelle à généraliser les jobs précaires

Macron a réaffirmé jeudi 19 octobre son opposition totale à une allocation pour les étudiants, usant d’une réthorique mensongère sur l’assistanat des boursiers et des étudiants étrangers, et défendant les jobs précaires utiles au patronat comme solution face à la précarité.

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Macron dénonce l'idée d'un revenu étudiant et appelle à généraliser les jobs précaires

Crédit photo : Révolution Permanente

Dans une tribune parue le 19 septembre dans Le Monde, quatorze présidents d’universités interpelaient mollement le gouvernement sur la précarité étudiante. Un mois après, le "président des jeunes" daigne enfin y répondre à l’occasion d’un échange avec des jeunes à Paris. Il a sans surprise rejeté en bloc les maigres revendications de la tribune, vantant les mérites des jobs étudiants et pointant du doigt les étudiants étrangers. Il n’annonce évidemment pas la moindre mesure contre la précarité étudiante.

Refus net d’une quelconque allocation pour les étudiants

Alors que la tribune des présidents d’universités proposait une maigre « allocation d’études pour tous les étudiants », Macron a répliqué « je suis pour qu’on améliore le système. Mais je ne suis pas pour un revenu universel inconditionnel ». D’après lui, pour améliorer le système il suffirait « qu’on contrôle plus la présence aux examens et la réussite aux examens » pour que seul·es les étudiant·es assidu·es soient autorisé·es à bénéficier de la bourse. C’est pourtant déjà le cas, la bourse étant retirée en cas de défaillance. Plus de la moitié des étudiants sont forcés de travailler pour subvenir à leurs besoins. Plusieurs milliers sont même obligés de faire quotidiennement la queue aux banques alimentaires. Une surveillance accrue des étudiant·es précaires n’aiderait en rien leur situation.

Mais cette situation ne semble pas préoccuper le président, pour qui le problème est qu’ « on distribue beaucoup de bourses aussi à des étudiants qui [ne vont pas aux examens] » et que « dans les files d’attente dans les aides alimentaires, on a aussi beaucoup d’étudiants étrangers ». Par une réthorique mensongère et pleine d’ambiguïté concernant les étudiants étrangers, Macron affirme ainsi que l’urgence n’est ici donc ni les étudiant·es qui doivent sauter des repas, ni ceux qui doivent sacrifier leurs révisions et leurs projets pédagogiques sur l’autel des jobs sous-payés.

Macron forcé d’admettre le problème des loyers

Le président a toutefois été forcé de concéder plus loin dans la discussion qu’ « il y a encore trop d’étudiants qui sont dans la précarité, surtout dans les grandes villes où le logement est cher ». Sa "solution" se fait en trois points. Il faut d’abord « qu’on aide à développer des études dans des villes où c’est moins cher  » puis, « qu’on fasse baisser le prix du logement étudiant ». Acculé, Macron a donc été forcé d’aborder un thème important dans ses deux premiers points : le prix des loyers. Pour autant, il ne propose évidemment pas de solution, à part "aider à développer des études dans des villes où c’est moins cher". Comment faire alors que les universités n’ont même pas les moyens de payer leurs vacataires, ou de simplement fonctionner ?. Le président n’a de toute manière joint aucune réelle décision à ces mots. Il y a surtout derrière cette idée une réalité bien plus crue : sous la pression du capitalisme, l’université est un champ concurrentiel. Les diplômes des différentes universités ont des valeurs très différentes entre elles. Les universités les plus prestigieuses sont le plus souvent dans les villes au loyers les plus élevés. La première "solution" que Macron propose revient donc ni plus ni moins à ce que les enfants d’ouvriers aillent dans des universités de villes moins chères, aux diplômes peu valorisés et aux choix de filières réduits. Si son deuxième point dresse quant à lui un constat très factuel il n’est accompagné d’aucune proposition. Pourtant en la matière la solution est simple : le plafonnement des loyers et la réquisition des logements vides.

Généraliser les jobs étudiants

Son troisième point est le plus abject : il s’agit de généraliser les "jobs étudiants". Si cela peut rassurer le président, ils sont déjà largement généralisés, quoique pas parmi toutes les classes sociales. Ce que veut généraliser Macron c’est la nécessité pour les étudiant·es issu·es de milieux populaires de sacrifier 15, 20, parfois plus de 30 heures de leur semaine dans des emplois sous payés. Qui peut prétendre que ces étudiant·es sont à égalité avec ceux issus de milieux privilégiés qui pourront utiliser ces heures pour se sociabiliser, se reposer, réviser ? En réalité, la nécessité de travailler à côté de leurs études est très pénalisante pour les étudiant·es qu’elle concerne et crée un énorme filtrage social. Il s’agit en fait d’un rouage essentiel de la reproduction sociale et de l’entre-soi de la bourgeoisie.

Enfin, comme le rapporte 20 minutes, le problème est selon Macron qu’on aurait «  toute une génération qui a eu un RSA et qui est encore empêchée d’aller au travail ou qui s’est déshabituée d’aller au travail ». Outre la méconnaissance manifeste du président, qui semble ignorer que les personnes de moins de 25 ans, soit l’essentiel des étudiants, n’ont pas accès au RSA, on retrouve derrière cette citation le fameux mythe des "assistés". Sans rapport avec les étudiant·es qui galèrent à se nourrir, cette déclaration semble surtout chercher à dresser le portrait, déjà abondamment invoqué avec la dernière réforme du RSA, de pauvres forcément fainéants, responsables du chômage et qu’il conviendrait de "réhabituer" à travailler.

Derrière cette réponse tardive de Macron il n’y a finalement pas grand chose : quelques éléments de langage, beaucoup de hors-sujet, aucune avancée pour les étudiants. Et pour cause, le gouvernement a un objectif clair : faire de l’université un aller simple vers le marché du travail, et pas n’importe lequel, celui des jobs précaires et mal payés. C’est dans cette optique qu’on assiste à une ingérence croissante des entreprises au sein de nos formations, en complicité avec le gouvernement et les présidences de fac. C’est dans cette logique aussi qu’on assiste à la stigmatisation des étudiant·es au parcours atypiques, c’est à dire ceux qui ne dédient pas leurs études à se rendre les plus productifs possibles pour leurs futurs employeurs.

Le gouvernement n’a pas le moindre intérêt à sortir la jeunesse de la précarité, de petites interpellations timides ne servent donc à rien. C’est par la lutte que le mouvement étudiant obtiendra des conditions d’études dignes. Il est urgent d’exiger un revenu étudiant à hauteur du smic et indexé sur l’inflation, le plafonnement des loyers, la réquisition des logements vides, la fin de l’infiltration de nos formations par des multinationales, mais aussi des conditions de travail décentes et dignes pour tous les travailleurs de nos universités. Pour défendre ces revendications et rendre visible la situation de précarité des étudiant·e, Le Poing Levé a lancé une grande enquête nationale sur les conditions de vie des étudiant·es. Clique ici pour y participer !


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