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Extrême droite

Manifestation en Allemagne : « pour lutter contre l’AfD, il faut aussi lutter contre le gouvernement »

Plus de 150 000 personnes ont manifesté samedi à Berlin contre le parti d’extrême droite AfD. Les critiques contre la coalition gouvernementale menée par le parti socialiste, auteur d’une loi immigration brutale, s’y sont faites plus fortes que lors des manifestations précédentes.

Leon Groß


et Nouria Muhandes

5 février

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Manifestation en Allemagne : « pour lutter contre l'AfD, il faut aussi lutter contre le gouvernement »

Crédits Photo : Ayrin Giorgia

Ces dernières semaines, les manifestations contre l’extrême droite remplissent les rues allemandes. Elles font suite au scandale autour de la réunion secrète entre des responsables de l’AfD (Alternativ für Deutschland, principal parti d’extrême droite), des nazis de la mouvance identitaire, des entrepreneurs et des membres de la Werteunion, affiliés à la CDU, qui planifiaient des déportations massives contre les citoyens allemands « non assimilés ». La mobilisation témoigne déjà d’un petit succès, des sondages récents indiquant une baisse à 20 des intentions de vote pour l’AfD.

Ce samedi, plus de 150 000 personnes ont pris la rue à Berlin sous le mot-d’ordre « Nous sommes le rempart ! », pour protester contre la montée de l’AfD, mais aussi contre la politique d’expulsions des migrants de la coalition gouvernementale « feu tricolore » (Parti socialiste, rouge ; les Verts ; et les libéraux du FDP, jaune). À Dresde, de même que dans d’autres villes, des milliers de personnes se sont rassemblées, tandis que dans certaines petites villes, jusqu’à 10 % des habitants ont manifesté.

La coalition large « Hand in Hand » (Main dans la main), composée entre autres de militants pour le climat, d’ONG et d’organisations de gauche, avait déjà lancé il y a plusieurs semaines une mobilisation nationale pour le 3 février. Malgré les grèves en cours, notamment dans le secteur des transports publics, rien n’a été fait, notamment du côté de la DGB (Confédération allemande des syndicats), pour tenter de mobiliser massivement et de lier ces combats syndicaux pour les salaires et la lutte contre la droite. Malgré tout, de nombreux membres des syndicats GEW (enseignement), EVG (transport ferroviaire), IG Metall (métallurgie) et Ver.di (services) étaient présents dans la manifestation à Berlin.

Sur la scène où avaient lieu les prises de parole, il a été rappelé que le virage à droite actuel n’est pas du seul fait de l’AfD et qu’il impacte l’ensemble de la population. La lutte contre l’extrême droite est un « effort collectif » a-t-il été souligné, invitant l’ensemble des communautés, noires, juives, palestiniennes à y prendre part. La politique de la coalition gouvernementale a également fait l’objet de critiques, tranchant avec l’ambiance des manifestations précédentes : « Ca ne sert à rien de lutter contre l’extrême droite, si tous les partis virent à droite ! »

À Gera (Thuringe) et à Dresde (Saxe), des attaques ont récemment eu lieu contre des foyers de réfugiés qui ont été occupés par des militants d’extrême droite. A Erfurt (Thuringe), des manifestants ont pointé la faillite de la coalition locale SPD-Verts-die Linke qui dirige le Land. Pour de nombreux manifestants, il est clair que la CDU et les partis de la coalition fédérale font partie du problème, à l’image de leurs projets comme le vaste centre de déportation à l’aéroport de Berlin. Pour ces secteurs de la mobilisation, la seule solution pour renverser la vapeur est l’émergence d’un vaste mouvement social contre la misère et la précarité.

Mais, les manifestations contre la droite de ces dernières semaines ont aussi donné à voir des postures beaucoup plus confuses : des discours patriotiques, une confiance énorme dans les institutions étatiques, mais surtout, la répression contre les participants solidaires de la cause palestinienne par la police et parfois même par d’autres participants aux manifestations. Ces éléments réactionnaires ont été critiqués par le rappeur Apsilon depuis la scène : « Quand des gens brandissant des drapeaux palestiniens sont attaqués lors de manifestations, quelque chose ne va pas ! » Pour lui, il est évident que le capitalisme exploitera toujours à la fois les migrants et les Allemands : « Le retraité allemand doit aussi ramasser des bouteilles dans la rue [pour la consigne] »

Il a également souligné dans son discours la politique de droite des Verts et leur contribution aux 100 milliards d’euros de fonds spécial pour la Bundeswehr et leur soutien aux bombardements à Gaza. Un autre intervenant, le Professeur Karim Fereidooni a lui aussi critiqué la politique d’austérité de la coalition tricolore. Selon lui, il est nécessaire de lever des milliards en urgence pour l’éducation (Olaf Scholz a su le faire pour la Bundeswehr), tout en soulignant que les élèves ainsi que le personnel enseignant devraient faire entendre leur voix : les élèves ont le droit et la possibilité de demander une éducation contre le racisme, et les enseignants ne devraient pas rester silencieux s’ils constatent des actes racistes.

Plusieurs organisations d’extrême gauche se posent désormais le défi de traduire cette critique en passage à l’action et en organisation. Les militants de la Revolutionnäre Internationalistische Organisation, organisation sœur de Révolution Permanente en Allemagne, milite ainsi pour la constitution d’un pôle anticapitaliste clairement identifiable dans ces manifestations. « Pour être efficace, le combat contre l’AfD doit devenir un combat contre la politique raciste et anti-sociale de la coalition tricolore » affirment-ils. « Nous souhaitons construire une opposition qui lutte contre les coupes budgétaires dans les services publics, et les attaques contre les prestations sociales qui ne font qu’aggraver la pauvreté, notamment chez les retraités. Dans le contexte actuel, cela ne peut être qu’une lutte contre toute le système capitaliste et sa marche à la guerre ». Un programme qui se conjugue avec l’exigence de l’ouverture des frontières, de l’accueil de tous les réfugiés et de l’obtention des mêmes droits politiques et sociaux pour toutes et tous ! Voilà la seule voie pour que l’énorme contestation populaire qui a lieu ces dernières semaines en Allemagne combatte de manière effective les idées de l’extrême droite et ne soit pas capturée par la coalition gouvernementale en crise d’Olaf Scholz.


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