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« Une réforme historique »

Rémunération au mérite : Macron confirme son offensive contre le statut de fonctionnaire

En évoquant la rémunération au mérite des fonctionnaires mardi, Macron a confirmé une prochaine réforme de la fonction publique. Une attaque contre le statut de fonctionnaire qui ouvre la voie à une série d’attaques d’envergures contre les services publics et ses travailleurs.

Léo Stella

18 janvier

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Rémunération au mérite : Macron confirme son offensive contre le statut de fonctionnaire

Photo : Arno Mikkor (EU2017EE), Creative Commons 2.0

« Le principal critère d’avancement et de rémunération devra être, à côté de l’ancienneté, le mérite ». Avec cette phrase, Macron a remis sur la table mardi la réforme de la fonction publique. Celle-ci doit être un acte II des mesures déjà prises lors de la réforme de 2019 qui avaient déjà porté un grand coup aux services publics notamment en ouvrant la voie aux privatisations.

Cette nouvelle loi qui comporte un grand nombre d’attaques est portée ces derniers mois par Stanislas Guérini, ministre de la Fonction Publique, qui avait prévu de la présenter début février. Les annonces de Macron, laissent penser que celui-ci, pour le moment absent du remaniement, pourrait rester aux manettes et mener son offensive néo-libérale jusqu’au bout avec comme axe principal l’instauration d’une rémunération qui se ferait selon le « mérite » acquis par les agents.

Cette attaque vise directement à s’attaquer au statut des 5,7 millions de fonctionnaires afin de « Régénérer » un système qui se serait « rigidifié ». Les fonctionnaires perçoivent en effet aujourd’hui tous un salaire de base appelé « traitement indiciaire », dont le montant dépend du grade et de l’échelon du salarié. Les grilles salariales sont communes à l’ensemble de la fonction publique qui est divisée en trois branches : État, hospitalier et collectivités territoriales.

Le traitement est donc identique pour tous les agents publics à ancienneté et poste identiques. Cependant, au fur et à mesure des gouvernements de droite comme de gauche, le besoin de tailler dans le budget des services publics et de saper le statut de fonctionnaire a changé ce rapport d’égalité des salaires. Cela s’est vu avec la multiplication des primes facultatives qui tiennent compte de « l’engagement professionnel et de la manière de servir du fonctionnaire » comme le « complément indemnitaire annuel » (CIA) pour les fonctionnaires d’État ou encore le RIFSSEP pour les territoriaux. Ces primes ont deux effets :
limiter les augmentations de salaire des fonctionnaires et instaurer la concurrence entre agents par l’individualisation du travail, en espérant augmenter ainsi la productivité.

Le gouvernement compte donc enfoncer le clou en instaurant directement une rémunération au mérite, selon des critères choisis par la direction sur le même modèle du privé. Même si dans son annonce, Macron n’es pas allé jusqu’à évoquer les contours de cette réforme, Guérini et ses proches collaborateurs l’ont fait dans un article du JDD paru le 7 janvier. Le ministre explique qu’ « à l’issue de cette loi, les employeurs des administrations, maires, préfets, directeurs d’hôpitaux doivent être libres de mieux rémunérer les agents les plus engagés dans leur travail ». Plus loin, on peut aussi lire la volonté de mettre en place « une prime d’intéressement collectifs qui serait accessible selon des objectifs quantifiables faits par l’employeur ». Un collaborateur de Guérini donne un exemple d’objectifs avec « des agents d’accueil modulant leurs horaires pour assurer le service d’un plus grand nombre d’usagers. La prise en compte de l’absentéisme pourrait jouer sur l’intéressement. »

Les buts sont clairs : calquer le modèle du privé sur le public et mettre fin au statut du fonctionnaire. Le gouvernement, à travers la mise en place d’une logique méritocratique et individuelle, et la carotte d’augmentations de salaires donner tous le pouvoir à l’employeur. Ce dernier, que ce soit dans la fonction d’Etat, hospitalière ou territoriale pourra à son bon vouloir décider de mieux rémunérer (ou pas) les agents qu’ils désirent et imposer le rythme de travail et les règles requises pour pouvoir espérer gagner cette augmentation de salaire. Alors que la casse des services publics ne fait que s’empirer, notamment depuis le gouvernement Macron et que les conditions de travail pour les travailleurs se dégradent, la réforme doit permettre de combler les manques en poussant les travailleurs à travailler plus.
L’exemple sur les agents d’accueil évoqué par le collaborateur de Guérini est l’incarnation de cette logique.

La mise en place de cette rémunération divisera non seulement les agents entre eux, mais conférera également aux employeurs un pouvoir d’intimidation envers tout agent contestataire ou ayant une activité syndicale. Brice*, militant CGT de la Fonction Publique, revient sur cet aspect pour Révolution Permanente : « La mise en place de la rémunération au mérite est une menace, au-delà du fait que nos cadences de travail vont augmenter et que les employeurs auront des armes en main pour mettre la pression sur les agents. Déjà, aujourd’hui, quand tu es un militant syndical un peu combatif on te raye pour les augmentations de catégorie, notamment dans la territoriale. Alors, donner le pouvoir de bloquer un meilleur salaire pour avoir fait grève ou autre, c’est une arme en or pour les employeurs. On est en pleine période d’inflation, tout augmente sauf nos salaires, ils savent que ce nouveau système peut pousser les gens à se démobiliser et leur permettre de finir de détruire le statut de fonctionnaire. »

La rémunération au mérite signera donc une offensive d’ampleur contre les fonctionnaires et permettra au gouvernement de mettre tout en place pour finir de libéraliser les services publics. Car si la question de la rémunération se pose comme l’axe centrale de la future réforme elle s’accompagnera d’autres attaques comme le projet de renforcement de la mobilité du « service public vers le privé ». La destruction des services publics rentre donc dans le starter pack de réformes anti-sociale que préparent le gouvernement .

Alors que le monde du travail va être durement touché et que tout le monde est concerné, des fonctionnaires aux plus précaires, l’unité de notre camp social derrière un plan de bataille clair sera indispensable pour être à la hauteur des coups que prépare le gouvernement. Cela implique de rompre avec la politique conciliatrice de dialogue social qu’on les directions syndicales comme lorsqu’elles ont signé l’accord de prévoyance santé ou appelé Guérini à temporiser ses offensives. Alors que la loi de la fonction publique est prévue pour les prochaines semaines, il est fondamental que les directions syndicales de la fonction publique répondent dans la rue et par la grève à la casse des services publics et obligent le gouvernement à abandonner ses projets réactionnaires, que ce soit contre la jeunesse, les immigrés, les femmes ou les personnes LGBT !


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