Ils étaient donc près de 25 000 ce lundi selon la CSC et la FGTB, les deux principales organisations syndicales belges, à manifester contre le projet de loi « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme ». Ce projet, porté par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, prévoit une peine d’interdiction de manifester pouvant atteindre trois ans en cas de violences graves lors d’une mobilisation. Il prévoit en outre d’interdire les piquets de grève lorsque ceux-ci perturbent l’activité économique de l’entreprise au sein de laquelle ils sont situés. Une interdiction déjà présente de notre côté de la frontière, qui vise à réduire au maximum l’impact des grèves sur les profits.

Pas dupes des déclarations du gouvernement, qui affirme que cette loi ne vise qu’à « assurer la sécurité des manifestants », de nombreux travailleurs sont sortis dans les rues déguisés en prisonniers afin de dénoncer la nature autoritaire du projet de loi. Philippe Barbion de la FGTB, interrogé sur le sujet, a ainsi déclaré : « Aujourd’hui, ils veulent réprimer par la loi l’acte de manifester, si nous les laissons faire, demain lorsque nous voudrons manifester ils nous mettront en prison ».

Ce projet de loi et cette mobilisation ne viennent pas de nulle part, ils s’inscrivent en réalité dans la continuité d’un conflit social qui a débuté il y a trois mois au sein de l’entreprise Delhaize, seconde plus grande enseigne de grande distribution du pays (128 magasins répartis dans toute la Belgique). Le mouvement y a débuté à la suite de l’annonce du rachat et de la restructuration de l’entreprise par un nouvel actionnaire néerlandais, qui, non content d’avoir rejeté toute négociation, a d’emblée annoncé un gel des salaires et plusieurs licenciements.

Face à cette situation, de nombreux travailleurs se sont mis en grève et des piquets de grève ont fleuri devant de nombreux magasins de l’enseigne. Cette mobilisation n’a pas plu au gouvernement, qui a rapidement saisi la justice afin de faire interdire dans tout le pays les piquets bloquant l’entrée des magasins et des dépôts. Le projet de loi récemment proposé entend entre autres généraliser et inscrire dans la loi cette décision de justice, afin de l’étendre à toutes les entreprises, à tout le pays et à tous les potentiels futurs conflits sociaux.

Plus largement enfin, cette offensive est une réponse à la crise du « dialogue social » en Belgique, où plusieurs grèves de cheminot ont également lieu afin de notamment réclamer des hausses de salaire et d’afficher leur soutien à l’égard des travailleurs français mobilisés contre la réforme des retraites. Dans un pays où les syndicats sont habituellement extrêmement adaptés aux logiques de concertation avec le gouvernement et les patrons, les voir appeler à la grève générale, ne serait-ce que pour une seule journée, est inédit. Une brèche à saisir pour les travailleurs belges. Face aux attaques du gouvernement et à la vie chère, l’heure est à rompre pour de bon avec la logique du « dialogue » et de la conciliation de classe.