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Une nouvelle affaire « Jacqueline Sauvage »

Battue, insultée et violée pendant 40 ans, une femme jugée coupable du meurtre par la justice

« Elle ne passera que quelques semaines en prison ». Tel est le titre, largement repris par les médias, choisi pour couvrir le verdict du procès en assises de Chantal Laurent-Tropet reconnue coupable du meurtre de son ex-mari par lequel elle a été battue, insultée et violée pendant 40 ans. Une histoire, un procès, une condamnation, qui nous rappellent l’affaire de Jacqueline Sauvage, et de tant d’autres femmes. L’histoire d’une justice patriarcale, au service des puissants et des patrons, qui juge coupable de meurtre une femme violentée, violée et opprimée pendant des années par son mari, refuse de lui reconnaître la légitime défense et la condamne à un parcours du combattant et de la prison. A une double peine. Cécile Manchette

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Le procès de Chantal Laurent-Tropet devant la cour d’assises de l’Isère a commencé ce lundi 12 décembre. Reconnue coupable il y a cinq ans, au moment des faits, elle a déjà passé 18 mois en prison, été placée sous contrôle judiciaire. Aujourd’hui, elle est condamnée à cinq ans de prison avec sursis et à deux mois fermes. Une peine, une affaire, qui nous rappelle celle deJacqueline Sauvage qui a été condamnée à dix ans de prison ferme, et à qui l’on refuse toujours la liberté conditionnelle, pour avoir tué son mari, de trois coups de fusil dans le dos, après plus de quarante ans de violences conjugales. Un cas similaire à celui de Chantal Laurent-Trop sur de nombreux points.
 
Le 29 mai 2011, Chantal Laurent-Tropet, âgée de 58 ans, en couple avec son mari depuis ses 14 ans, assassine Harry Ratgris de deux coups de fusil. Son ex-mari, alcoolique, humilie, insulte, violente, viole sa femme depuis plus de 40 ans. Crises de jalousie, violences verbales, physiques, Harry Ratgris est condamné par deux fois par la justice à de la prison… avec sursis pour violences conjugales. Il est donc autorisé à revenir au domicile familial. A cela s’ajoute des violences sexuelles, des rapports forcés, il lui interdit de prendre la pilule « pour ne pas qu’elle aille voir ailleurs ».Elle avorte à plusieurs reprises. Elle cherche à fuir, il la retrouve, elle revient. Une vie, celle d’une femme violentée, dominée par cet homme qui la considère « comme son objet », complètement détruite, ainsi que celles de ses trois enfants.
 
Le soir du 29 mai, elle se rend à la police. Elle est alors reconnue coupable par la justice, détenue 18 mois puis bénéficie d’une remise de peine. Ce lundi 12 décembre elle passe devant la cour d’assises, le parquet requiert douze ans de prison ferme. On lui rappelle qu’un tel crime peut valoir à son auteur jusqu’à la perpétuité. Aux termes du procès, la justice, les médias, se félicitent de la sentence finale : cinq ans de prison avec sursis et deux mois fermes. On devrait s’en réjouir. La défense explique que la justice a « peut être pris en compte » le fait qu’elle « avait fait preuve de cécité concernant le cas de Harry Ratgris, cause indirecte de ce qui s’est passé. » Cause indirecte ? Chantal, bourreau et victime ? 40 ans de violences conjugales et pas un mot sur la légitime défense… La justice a-t-elle « rendu justice » ou une fois de plus prononcé une sentence qui est celle d’une justice au service du patriarcat et des puissants ? Peut-on réellement croire que cette justice nous « protège » quand elle renvoie un homme coupable de violences conjugales au domicile familial alors même que s‘y trouve la victime ? Peut-on réellement croire que cette justice défend les droits et la vie des femmes quand face à de tels cas elle envoie ces femmes en prison ? Dans le cas de l’affaire de Jacqueline Sauvage, quoi qu’en disent les juges, les médias, c’est la mobilisation de milliers de femmes criant « liberté pour Jacqueline Sauvage » qui a permis à l’affaire d’avancer sans pour autant arriver à faire plier la justice patriarcale jusqu’au bout. Cette dernière refusant toujours à Jacqueline Sauvage la liberté conditionnelle, le droit de se reconstruire, de lui accorder complètement le statut de victime.
 
Alors quand les médias titrent « elle ne passera que quelques semaines en prison » sous entendant qu’il s’agit d’une peine clémente, nous exigeons en retour la liberté pour Chantal Laurent-Tropet. Parce que Jacqueline Sauvage, Chantal Laurent-Tropet et d’autres sont des victimes, non des coupables. Des victimes, d’une société patriarcale et capitaliste dont les violences conjugales pouvant aller jusqu’à la mort, les rapports de domination et d’oppression, en sont des expressions terribles. C’est pour elles et toutes les autres que nous luttons contre l’ensemble de ces dénis de justice et ce système qui rend toutes ces situations, encore, possibles.


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