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Loi Immigration

Caution financière, contrôles renforcés : une nouvelle offensive raciste contre les étudiants étrangers

La loi immigration marque une offensive d’une brutalité historique contre les étudiant·es étranger·ères en renforçant les contrôles et en conditionnant la délivrance des titres de séjours à une caution.

Antoine Chantin

21 décembre 2023

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Caution financière, contrôles renforcés : une nouvelle offensive raciste contre les étudiants étrangers

Crédits photo : Jean Nicolas L. / Licence Creative Commons 2.0

Peu avant minuit, ce mardi 19 décembre, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi Immigration. Marquant l’alignement de Macron derrière LR et l’extrême droite, ce texte d’une violence historique contre les étranger·ères entérine les ambitions les plus rances qui avaient été exprimées par les sénateur·ices à l’encontre des étudiant·es internationaux, lors de la première lecture du texte. Signe éloquent de l’offensive raciste et xénophobe à l’œuvre, les présidences d’universités et même d’écoles de commerces, d’habitude au garde à vous derrière le gouvernement, ont condamné l’adoption des dispositions de ce texte concernant les étudiant·es étrangers.

Et pour cause, afin d’obtenir les voix des LR et du RN, le gouvernement a cédé aux moindres caprices réactionnaires de ces groupes, concédant à ces dernier l’ensemble des mesures les plus violentes concernant l’université, qui avaient été ajouté par le Sénat. Le 14 novembre derniers, les sénateur·ices avaient effectivement ajouté deux amendements au texte initial afin d’empêcher « une voie d’immigration par l’intermédiaire du titre de séjour étudiant », comme le soulignait le sénateur LR Roger Karoutchi.

Pour compliquer par tous les moyens l’obtention du titre de séjour « étudiant », la commission mixte paritaire, avec le soutien du gouvernement, a donc repris la proposition du sénateur LR en mettant en place une « caution de retour ». Les étudiant·es étranger·ères devront donc déposer préalablement à l’obtention de leur titre de séjour, une caution financière afin de pouvoir effectuer leurs études en France. Une mesure qui vise à contrôler d’avantage ces dernier·ères, puisque selon Roger Karoutchi « beaucoup de présidents d’universités affirment que beaucoup de ceux qui s’inscrivent dans ce cadre-là dans les universités ne se présentent pas aux examens, ne vont pas en cours ». Or, ces derniers se sont eux-mêmes émus de cette mesure, qui constitue « une insulte aux Lumières » et irait à l’encontre « des valeurs de la République et de la tradition multiséculaire d’ouverture au monde de l’université française ».

La caution, dont le montant sera déterminé par le Conseil d’Etat, permettra au gouvernement de garantir que seuls les étudiant·es des classes supérieures auront accès aux études supérieures, mais surtout qu’ils ne resteront pas à la fin de celles-ci. Cette mesure est d’autant plus criminelle, qu’elle vient s’ajouter aux précédentes attaques gouvernementales mises en place afin de fermer toujours plus l’accès des universités aux étrang·ères et aux classes populaires, politique pourtant appuyée par les président·es d’université.

Pour Wail*, étudiant étranger à Nanterre, cette mesure est à replacer dans une série d’offensive déjà ancienne : « ces attaques contre les étudiants étrangers avaient déjà commencé en 2018, avec la décision d’Édouard Philippe d’augmenter les frais d’inscription, une mesures discriminatoire et xénophobes » En effet, le programme « Bienvenue en France » adopté en 2019 par le gouvernement d’Édouard Philippe avait multiplié par 16 les frais d’inscriptions qui s’élèvent aujourd’hui à 2770 euros pour un·e étudiant·e international·e, contre 170 euros pour les étudiant·es nationaux et européen·ennes. Une majoration des frais d’inscription que se sont bien gardé de condamner les présidences d’universités, qui mettent en œuvre sans sourcilier ce programme.

Face au tollé des présidences d’universités provoqué par la loi, la première ministre s’est vu obligée d’arrondir les bords, affirmant que « le ministre de l’Enseignement supérieur peut dispenser de cette caution des étudiants en fonction de leurs ressources et de leur parcours - scolaire et universitaire ». De son côté, Macron a déclaré hier sur France 2 que cette caution n’était « pas une bonne idée » et qu’il fallait « continuer à attirer des talents et des étudiants du monde entier », sans préciser si la mesure serait revue. Une rhétorique, dans la lignée de l’ADN ultra réactionnaire de cette loi, qui vise à distinguer les « bons immigrés » des « mauvais ». Pour Elisabeth Borne, cette mesure pourrait être « revue », annonçant même que la caution pourra « être de 10 euros, 20 euros ». Des affirmations plus que douteuses, qui cachent mal le malaise de la première ministre. Une caution aussi faible parait d’autant plus fantasque, que, comme le souligne Wail*, « il était déjà très difficile de venir en France puisqu’il fallait jusqu’à maintenant justifier d’un revenu équivalent à 7000 euros par an, une mesure classiciste qui vise à sélectionner les étudiants ».

Dans le même sens, le Parlement a également adopté le renforcement du contrôle des étudiant·es bénéficiant d’une carte de séjour pluriannuelle. Ces derniers devront donc justifier chaque année du caractère « caractère sérieux des études » qu’iels effectuent, au risque de perdre leur titre. Une mesure répressive, dont la formulation vague ouvre la voie à toute forme de mesure arbitraire contre les étudiant·es internationaux que les autorités universitaires et politiques ne souhaiteraient plus voir sur le territoire. Des étudiants, qui doivent pourtant déjà faire les frais de nombreuses discriminations pour Wail*, « nous n’avons pas les mêmes accès aux avantages dont bénéficient les étudiants français : pas accès automatique aux logements Crous, pas accès aux bourses. Pourtant la France profite beaucoup des étudiants étrangers qui contribuent à la recherche française  ». Il est donc certain que ces mesures renforceront, une fois de plus, la précarité de ces derniers.

Plus encore, afin d’obtenir les voix de l’ensemble du bloc réactionnaire, le gouvernement a également promis à la droite de réformer l’aide médicale aux étrangers (AME) des 2024, conduisant de fait à sa suppression. Une situation qui inquiète Wail*, « ma situation est déjà très précaire, je dois travailler pour assurer les charges et les dépenses que j’ai chaque moi, alors que c’est très difficile de faire les deux à la fois ». En outre pour l’étudiant de Paris-Nanterre, «  cette caution, cette loi, sera une charge en plus qui va encore compliquer la situation des étrangers, principalement des pays les plus pauvre qui subissent déjà les effets de l’inflation, alors que nous nous faisons exploité au travail en enrichissant la France sans bénéficier de retraite ou de minimas sociaux. »

Ces attaques envers les étudiants étrangers vont ainsi accroître la stigmatisation et la répression des étudiant·es étranger·ères, dans la droite lignée des offensives successives des gouvernements contre les services publics, qui continuent de fermer les portes de l’université aux plus précaires. Le gouvernement de Macron s’appuie sur une conjoncture réactionnaire pour non seulement faire passer la loi immigration, mais préparer de nouvelles attaques contre notre camp social, aux côtés de l’extrême droite. Pour contrer cette loi et toutes les lois racistes et xénophobes touchant les plus précaires, la jeunesse doit construire un mouvement d’ensemble, aux côtés des travailleurs, pour riposter face à ces attaques dans un contexte de crise galopante. Exigeons la régularisation de toustes les sans-papiers ainsi que l’ouverture des universités à tous et à toutes.

*Le prénom a été modifié


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