La semaine dernière, le photographe Tsafrir Abayov a capturé un moment particulier. Un groupe de femmes se prend en selfie. Elles sont jeunes. Elles sont soldates de Tsahal. Derrière elles, les ruines de Gaza. La photographie a fait le tour du monde.

De nombreuses images nous sont parvenues de Gaza. Et même de très nombreuses vidéos. Gaza est sans doute le théâtre du premier génocide de l’Histoire filmé en direct. Gaza est sous le feu des armes, des bombes et des projecteurs.

Comme toutes les autres images où des soldats israéliens se représentent en train d’utiliser des objets volés dans des maisons palestiniennes ; jouer de la musique ; danser ; montrer des sous-vêtements ; maltraiter des prisonniers ; abattre le bétail pendant que la population meurt de faim ; bref, humilier les Palestiniens : cette photo brise les frontières de la folie.

Et témoigne de l’horreur d’un régime d’apartheid et colonial dont la jeunesse fait la guerre comme elle partirait en voyage entre amis, en prenant des photos.

Et nous renvoie à une responsabilité partagée. Il suffit de faire un zoom en effet, pour constater que les fusils portés par ces soldates et ces soldats (au moins une partie des munitions) sont de facture états-unienne. Et qu’en arrière-plan, les ruines de Gaza sont également le fait de bombes états-uniennes. Et que si on dézoome, une partie de leur « formation » l’est tout autant. Et que la France aussi continue d’envoyer des armes à Israël.

Ces photos nous disent enfin beaucoup du projet colonial israélien lui-même.

La photographie est partie intégrante de ce processus. Son utilisation contribue à l’édification d’une fantasmagorie emblématique d’un régime colonial qui utilise le nettoyage ethnique pour arriver à ses fins. Le sous vêtement féminin palestinien est devenu support de « l’affirmation d’une masculinité nationale, coloniale et guerrière » [1]. À Gaza, les morts meurent trois fois : sous les balles de l’occupant, sous le regard de l’objectif et sur les réseaux sociaux des soldats.

Dans quelques années, ces photographies iront dans les livres d’Histoire. Elles brisent déjà le quatrième mur d’un massacre qui inonde les réseaux sociaux. Et qui désormais a fait plus de 30 000 morts.