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Répression syndicale

Aux Prud’hommes : Christian Porta, délégué CGT, face à un patronat « radicalisé » et hors-la-loi

Après la décision d’InVivo de licencier le délégué CGT Christian Porta et le refus de l’inspection du travail, la CGT Neuhauser retrouvait le groupe devant les Prud’hommes ce vendredi. Un procès très politique, où l’entreprise a assumé de vouloir s’en prendre à un syndicaliste combatif.

Paul Morao

10 mai

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Aux Prud'hommes : Christian Porta, délégué CGT, face à un patronat « radicalisé » et hors-la-loi

Crédits photo : Révolution Permanente Metz

Ce vendredi matin, l’ambiance était électrique dans la salle du Conseil des Prud’hommes de Forbach en Moselle. A l’ordre du jour, une audience très particulière, puisqu’elle oppose la CGT Neuhauser à InVivo, géant de l’agrobusiness, qui a décidé fin avril de passer outre une décision de l’inspection du travail après que celle-ci ait refusé le licenciement de Christian Porta, délégué syndical central d’une des entreprises du groupe.

Au côté de l’emblématique syndicaliste, qualifié de « gloire locale » par son DRH, une vingtaine de travailleurs de Neuhauser en grève pour venir soutenir leur collègue. Du côté de la direction, le DRH du groupe InVivo avait fait le déplacement, accompagné de cadres de l’entreprise. Une opposition qui symbolisait au cœur des Prud’hommes l’affrontement des derniers mois entre des ouvriers de l’agro-alimentaire en lutte pour défendre leur délégué syndical et leur section CGT et une direction qui est prête à tout pour imposer le licenciement.

De façon marquante, des cadres de l’entreprise, en lien avec la direction, étaient allés la veille jusqu’à menacer dans un courrier de se mettre en droit de retrait si le tribunal réintégrait Christian Porta. Dès le début de sa plaidoirie, l’avocate de la CGT Neuhauser, Elsa Marcel, n’a pas manqué de signaler cette tension entre des cadres « payés pour venir assister à l’audience » et des « salariés de Neuhauser en grève » par solidarité.

Une audience contre les pratiques d’un « patronat radicalisé »

A la barre, Elsa Marcel a souligné le caractère inédit de la procédure, bafouant ouvertement l’inspection du travail. « Aujourd’hui nous faisons face à un patronat radicalisé qui tente de tester les limites du code du travail, alors que le tribunal judiciaire de Sarreguemines et l’inspection du travail ont refusé le licenciement et expliqué que Christian Porta n’a harcelé personne et qu’il ne fait que son travail de délégué syndical » a-t-elle rappelé, pointant la faiblesse des accusations patronales. Celles-ci reposent en effet sur des témoignages anonymes et tronqués et visent à monter un dossier pour affaiblir la CGT et légitimer le licenciement d’un délégué syndical combatif.

Elsa Marcel a martelé que le droit est clair et les jurisprudences constantes : « on ne peut licencier un représentant du personnel sans l’autorisation de l’inspection du travail. Dans ce dossier, la décision de l’inspection du travail est limpide et motivée, six pages rédigées par l’inspecteur qui explique que aucun fait de harcèlement n’est matérialisé. Pire il démonte point par point l’argumentaire de la direction ».

L’avocate a en revanche souligné que s’il y avait bien du harcèlement dans cette affaire, c’est Christian Porta qui le subissait, avec un acharnement sur les réseaux sociaux du DRH du groupe InVivo, Sébastien Graff, en personne, étalant sur Twitter sa haine du syndicalisme et de l’écologie. Une attitude qui avait été dénoncée en mars dernier par les soutiens du syndicaliste, et notamment les députés LFI et EELV Éric Coquerel et Sandrine Rousseau.

Pour la direction, un procès politique contre le syndicalisme combatif

De son côté, la direction d’InVivo, qui avait mobilisé pour l’occasion deux avocats, a assumé dans sa défense le caractère politique de son offensive contre Christian Porta. Pour commencer sa plaidoirie, l’avocate d’InVivo a ainsi choisi de s’en prendre directement à l’avocate des Neuhauser, l’assimilant à l’« idéologie islamo-gauchiste » avant d’affirmer ne pouvoir respecter la décision de l’inspection du travail car celle-ci était « en collusion avec Christian Porta ».

Des propos à la limite du complotisme qu’avait déjà formulé le DRH d’InVivo la veille dans L’Humanité, et qui n’ont été étayés par aucune preuve ou argument. Toute la plaidoirie de la direction a été construite sur de telles accusations, sans fondement, et sur le déni des différentes décisions juridiques et administratives qui ont systématiquement remis en cause le prétendu « harcèlement » de Christian Porta envers sa direction.

Pour tenter de faire valoir la pseudo-enquête de l’entreprise, jugée entièrement invalide par l’inspection du travail, l’avocate a lu des morceaux de phrases décontextualisés, sensés rendre compte des accusations contre le syndicaliste. Sans égard pour les faits, elle n’a pas hésité à expliquer que la réintégration de Christian Porta « serait criminelle et nuirait à la santé des salarié·e·s », suscitant quelques rires du côté des ouvriers de Neuhauser, qui se sont majoritairement mis en grève après la mise à pied du syndicaliste, malgré les menaces de la direction, et ont massivement signé une pétition pour sa réintégration.

Face à la plaidoirie des Neuhauser, qui rappelaient la volonté du patronat d’InVivo d’en finir avec une section syndicale CGT combative, l’avocate de la direction de l’entreprise s’est faite la porte-parole de InVivo en expliquant que « la lutte de classe aujourd’hui n’existe plus et qu’il faut dépasser ces clivages » avant d’appeler les juges « à se placer du bon côté de l’histoire », non sans un discret chantage à l’emploi en cas de décision défavorable à l’entreprise. Une façon d’en appeler à en finir avec les syndicats qui s’opposent aux projets patronaux, et à plaider pour une réconciliation entre le capital et le travail qui rappelle les moments les plus sombres du siècle passé.

Pour la direction d’InVivo, le « bon côté de l’histoire », c’est en effet outrepasser le Code du travail, les décisions de l’inspection du travail et entériner la possibilité de licencier des syndicalistes sur la base de dossiers montés de toute pièce. Un projet brutal, qui fait de l’offensive contre Christian Porta un enjeu qui concerne l’ensemble du mouvement ouvrier. Face à InVivo qui veut créer un précédent pour accentuer la répression syndicale déjà massive, l’ensemble des syndicats et travailleurs doivent se tenir aux côtés des Neuhauser.

A la sortie du tribunal, ces derniers étaient confiants d’être du côté du droit des travailleurs face à une direction « radicalisée » qui tenter de justifier ses pratiques hors-la-loi. « InVivo est en train de faire une politique du tout pour le tout, et essaye de voir s’il est possible de licencier quelqu’un en violation d’une décision de l’inspection du travail. C’est absolument inédit. Ils espèrent faire école en se disant que ça servira à tous les patrons de France qui veulent en finir avec les syndicalistes qui se battent » a expliqué de son côté Elsa Marcel.

Dans ce cadre, la solidarité doit être la plus large pour exiger la réintégration de Christian Porta, à l’image de celle qui s’est manifestée à l’occasion de la tribune parue dans Politis en février, du soutien apporté par 120 syndicats au délégué CGT Neuhauser devant le siège d’InVivo ou encore lors du rassemblement organisé en avril dernier devant les locaux de Neuhauser.

Le délibéré aura lieu le 24 mai.


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