Une lettre d’aveu : la « pasokisation » en marche

Depuis l’Accord National Interprofessionnel à la loi Travail, en passant par les cadeaux de « compétitivité » aux entreprises, la politique antisociale du gouvernement n’est plus à démontrer. Bien que Cambadélis continue timidement de s’en défendre – « Le premier texte était soutenu par la MEDEF, je l’ai condamné avec les syndicats réformistes. Le nouveau texte est combattu par le MEDEF, je le soutiens avec les syndicats réformistes. » - la loi Travail et le 49.3 ont été la goutte de trop, le signe d’une politique pro-patronale assumée. Pour de nombreux adhérents ou sympathisants PS, elle a fait l’effet d’une douche froide. Ceux qui hésitaient encore ont rendu leur carte. Beaucoup, qui encore en juin 2012 fêtaient l’élection de Hollande à la Bastille, se retrouvent aujourd’hui à protester contre la loi Travail et à réclamer « un autre monde » sur toutes les places de la République qu’ont pu faire émerger le mouvement Nuit Debout dans l’hexagone. Jusqu’aux rangs de la majorité, les « frondeurs », malgré leur impuissance, continuent de craindre le retour de boomerang électoral, et tentent sans succès de se délimiter du gouvernement, attestant d’une fragilité, y compris au sein de l’appareil.

Secouer l’épouvantail du FN et le spectre de 2002

« L’Autriche le démontre : la victoire de l’extrême droite est possible ». Dès la phrase d’ouverture de sa « lettre aux adhérents du Parti Socialiste », Cambadélis annonce la couleur : le vote socialiste comme barrage au FN. Plus que jamais, le Front National est aux portes de la présidentielle ; et si ce n’est pas elle, ce sera la droite républicaine, dont les reprises xénophobes et réactionnaires n’ont rien à lui envier. Secouer l’épouvantail de l’extrême-droite, voilà en substance la formule qu’a trouvé le parti de gouvernement pour faire peur à ses électeurs, qui dans l’état de déréliction dont souffre le PS, a de fortes chances d’accéder au second tour face à une droite, sa pâle copie pro-européenne, plus décomplexée que jamais.

Pas sûr que la formule puisse encore fonctionner. Car beaucoup en sont aujourd’hui convaincus : de la gestion totalement désastreuse de la « crise » des migrants à la dernière sortie islamophobe de Laurence Rossignol sur le voile, en passant par toutes les attaques antisociales qui font le lit de la crise économique et sociale que subissent une bonne partie de l’électorat séduit par le discours trompeur de Marine Le Pen, la meilleure politique au service de la montée du FN et des idées réactionnaires dont s’emparent la « droite populaire », c’est bien celle du gouvernement Hollande.

« Terroriser » les manifestants

Voilà ce qu’il reste au PS, comme dernier râle de survie : la peur. La peur du Front National bien sûr, mais aussi celle de la « menace terroriste » accolée à « la violence et l’attaque systématique de nos permanences » ou encore « à la violence à la fin des manifestations ». L’assimilation est pour le moins grossière, mais la propagande médiatique et gouvernementale des dernières semaines est là pour faire passer la pilule. L’idée est celle de la division : le peuple de gauche raisonnable, et les « casseurs » assimilables aux « bloqueurs » de la CGT, désormais criminalisée en tant que telle. Recreuser la tranchée, qui de plus en plus gagne sur l’électorat PS, entre les tenants de la gauche républicaine ressoudée autour du gouvernement par l’expérience du « je suis Charlie », et celle dont les rangs ont grossi par la radicalisation de la répression gouvernementale des dernières semaines, qui s’oppose à l’État en tant qu’outil d’oppression au service de la caste au pouvoir. Celle qui rêve d’autres possibles que la sinistre tripartition du pouvoir entre PS, républicains, et Front National, à laquelle la rhétorique de Cambadélis et du PS cherche à nous condamner.

La « belle alliance populaire », la #LaBAP, pour les initiés au 2.0. Voilà à quoi le projet bonapartiste de Jean-Christophe Cambadélis voudrait nous condamner : 49.3, répression et violence policière, l’état d’urgence permanent, et attaque du code du travail. Pour un parti qui n’a rien autre à promettre, reste la possibilité de gouverner par la peur. Peur du FN, peur du terroriste, peur du manifestant. C’est bien en substance sur quoi joue le gouvernement pour tenir le cap de la prochaine échéance électorale. Ne pas céder au chantage, c’est aussi montrer dans la rue et par la grève qu’une autre voie est possible.