Ouahid, 22 ans, marocain a été condamné mercredi en comparution immédiate par le tribunal correctionnel de Senlis (dans l’Oise) pour avoir consulté un « site djihadiste  » à 212reprises. Il s’agit de la douzième condamnation depuis le 3 juin 2016 et l’inscription dans la loi de la sanction pour délit de « consultation habituelle » de sites djihadistes. Fiché « S », assigné à résidence depuis quelques mois… le profil du jeune homme a vraisemblablement déclenché le signal d’alerte dans le tribunal correctionnel. A la clé, une condamnation très lourde : six mois fermes, l’expulsion du territoire à sa sortie de prison et dix ans d’interdiction de territoire. Son crime ? La consultation abusive d’un site « djihadiste ». En l’occurrence le site Jihadology.net. Un site auquel on accède en quelques clics et derrière lequel se cache un chercheur américain, travaillant pour un think-tank, spécialiste de la zone du Moyen-Orient et de l’idéologie et de la propagande de groupes djihadistes. Un site qui n’est autre qu’une base de données lui permettant de recueillir et archiver le fruit de ses recherches. Le jeune homme inculpé a expliqué devant le juge qu’il est « arrivé sur ce site par un lien Twitter d’un journaliste de France 24 », un spécialiste des mouvements djihadistes qui avait réagi sur Twitter pour souligner le « remarquable travail académique  » fait par Jihadology.net. La procureure aurait alors décrété que le dit-site « prône la guerre sainte et demande à s’engager pour devenir un héros  ». Une conclusion et une sanction qui donnent froid dans le dos.

« Quand on consulte des images de djihadistes, on est un djihadiste »


Depuis 2012 et l’affaire Merah, Nicolas Sarkozy a porté l’introduction dans la loi de la reconnaissance d’un délit pour consultations répétées de sites d’apologie du terrorisme : « Toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font lapologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence sera punie pénalement ». Cet amendement qui ne faisait pas l’unanimité jusqu’alors - nombreux sont ceux qui ont pointé les dangers d’une telle mesure - a fini par être adopté en juin 2016 au Sénat. Mais n’est pas « djihadiste » n’importe quel internaute. La loi précise : la consultation habituelle ne sera pas punie si elle est effectuée « de bonne foi ». C’est ainsi que sont exclus tous ceux dont la consultation « résulte de l’exercice normal dune profession ayant pour objet dinformer le public », c’est-à-dire les journalistes, des chercheurs, des services de police, de gendarmerie, de renseignement.

« Stopper le djihadisme »


La lutte anti-terroriste contre Daesh est désormais le cheval de bataille de la classe politique française. Ces dernières années, et de manière accélérée depuis deux ans, le gouvernement s’est doté de tout un arsenal juridique qui a conduit à un flicage et une militarisation généralisée. Loi anti-terroriste, loi sur le renseignement, fiches « S », déchéance de nationalité, état d’urgence… éliminer Daesh pour le gouvernement français se fait en bombardant« là-bas » et en réprimant « ici ». Une course après les djihadistes et les personnes en « voie de radicalisation » qui justifie des moyens, tous les moyens, dont un investissement considérable dans l’armement des forces de répression qui permet in fine de renforcer l’Etat policier. Des moyens répressifs et militaires qui ne semblent pas parvenir à enrayer la « radicalisation », ni la récurrence des attentats dans l’hexagone. Quand certains commencent à douter et à remettre en cause ouvertement l’efficacité des moyens mis en œuvre, les condamnations de ce jeune marocain ou de l’homme de 31 ans condamné à deux ans de prison ferme et 30 000 euros d’amendes, en août dernier, doivent servir « d’exemples ». Pourtant ce qui ressort de la condamnation du jeune marocain et doit être mis sous les yeux de tous est l’absurdité de cette lutte aveugle contre la « radicalisation djihadiste » quand ce même gouvernement s’engage seul dans des guerres meurtrières, paupérise sa population, et dont le bilan de ses principales « mesures anti-terroristes » ont conduit, avant tout, à des centaines de perquisitions et d’arrestations qui n’ont mené… à rien.