Réaffirmer le mandat de la rue : « retrait sans négociation du projet de loi travail »
Face aux provocations du gouvernement, qui cherche à réprimer le mouvement, à tenter de faire croire qu’il s’essouffle, ou encore à inviter les organisations de jeunesse à négocier le texte, les 75 délégations présentes à cette deuxième CNE ont souhaité réaffirmer de manière claire dans leur appel que ce projet de loi n’est ni amendable, ni négociable : nous demandons son retrait ! Une détermination essentielle et logique car le mouvement, s’il est confronté à certaines contradictions, reste dans une dynamique positive et n’a pas encore montré tout son potentiel. Un sondage publié lundi montrait que 56% des français déclaraient soutenir la mobilisation et même 72% des jeunes de moins de 35 ans.

La question qui était posée au mouvement étudiant lors de la CNE était donc la suivante : comment transcrire le mécontentement vis-à-vis du gouvernement et de son projet de loi dans la rue ? Comment, également, convaincre ces milliers d’étudiants en colère de construire la mobilisation par eux-mêmes ? Deux questions qui deviennent toujours plus urgentes, dans un contexte où les vacances et les périodes de partiels sur les universités approchent à grands pas. Cette massification implique un travail conscient de conviction à destination des étudiants de manière large, mais ne sera également possible que par le développement de l’auto-organisation. Le tour des universités a permis de montrer que, cette dernière semaine, si la mobilisation se maintient, les Assemblées Générales (AG) ont globalement réduits dans les différentes universités. A nous de trouver la formule pour inverser la tendance dans les jours et les semaines à venir.

Cette question est vitale car le gouvernement cherche désormais à jouer une stratégie de pourrissement car il sait que les travailleurs pourraient rentrer en lutte prochainement et inverser profondément le rapport de forces global. Conscient de cette urgence, la CNE a souhaité appeler dès la date du 5 à une journée de grève nationale reconductible, et ainsi ne pas se satisfaire de l’appel de l’intersyndicale souhaitant se contenter d’une journée d’action pour interpeller les parlementaires. Pour augmenter le rythme, la CNE a souhaité également poser d’ores et déjà les dates du 9, du 12, du 14 et du 20 avril dans le paysage, et a appelé à faire une coordination nationale par semaine.

Une direction démocratique du mouvement

Ce calendrier fixé par cette coordination nationale est un pas en avant pour le mouvement : il permet de ne pas dépendre des dates fixées par l’intersyndicale pour se mobiliser mais de permettre au mouvement d’étudiants d’en décider par lui-même. C’est d’ailleurs la fonction que seule une coordination nationale étudiante peut remplir : l’émergence d’une direction nationale issue des cadres d’auto-organisation des étudiants. Et en ce sens, encore une fois, le mandat de la coordination a été très clair : « seul le mouvement saurait se représenter lui-même ».

Une adresse qui n’est pas sans arrière-pensée envers les dernières déclarations de William Martinet, président de l’UNEF, qui déclarait récemment dans Le Figaro que son organisation était le « porte-parole du mouvement ». C’est d’ailleurs pourquoi les mandatés de l’UNEF, mais aussi ceux de la JC, ont majoritairement cherché à faire échouer l’élection d’un porte-parolat. Au terme d’un débat houleux et d’un vote très serré, la formation d’un porte-parolat a finalement été actée par la CNE. Ce résultat est une très bonne nouvelle pour le mouvement car celui-ci va pouvoir désormais faire apparaitre sa voix dans les médias : celle d’un refus de toute négociation, et d’une adresse aux travailleurs et à leurs organisations syndicales pour construire le « Tous Ensemble » dont nous avons besoin pour gagner !

Une auto-organisation qui reste encore à construire

Cependant, le bilan de cette coordination nationale étudiante s’est terminé avec quelques ombres au tableau. D’abord l’appel final aurait gagné à opérer un certain nombre de clarifications qui étaient partagées majoritairement par les mandatés présents : un appel clair aux travailleurs et à leurs organisations syndicales à construire ensemble la grève nationale reconductible dès le 5 avril ; une interpellation de l’UNEF à refuser la négociation proposée par Manuel Valls dans 15 jours dans l’objectif de diviser le mouvement ; et enfin de pointer la faiblesse actuelle du gouvernement qui s’est vu contraint de reculer sur la déchéance de nationalité et la constitutionnalisation de l’état d’urgence. A la veille des vacances, l’heure est à l’offensive de notre part, surement pas à la négociation.

La mise en place du porte parolat a donné lieu à un débat difficile, et très peu transparent. Mandaté pour une semaine, l’effectif important de 10 personnes qui a été finalement adopté risque de remettre en cause son efficacité. Mais, surtout, cette discussion a concentrer une forte dose d’enjeux d’appareil, et a vu triompher une logique d’accords entre organisations en dehors du plénier de débat. Un accord qui a pour effet de surreprésenter des organisations qui, comme l’UNEF, l’UEC ou la JC, se placent comme adversaires de l’auto-organisation du mouvement (par exemple en tentant de mettre en échec le vote d’un porte parolat), tout en maintenant jusque-là leur position en faveur du retrait

Les problèmes de composition de ce porte-parolat expriment plus généralement les limites de l’auto-organisation auxquelles fait face actuellement le mouvement, notamment parce que les différentes organisations présentes y deviennent un obstacle. Ici, point de chasse aux sorcières contre les militants organisés, mais un bilan critique des positions défendues par les différents mandatés, et d’un débat qui a parfois pris l’allure d’une bataille rangée entre organisations. A l’instar de ces camarades membres du NPA qui ont soutenu et voté la proposition d’un porte-parolat à 10 personnes, contre la proposition qui avait été faite d’un porte-parolat à 5 personnes, et donc la composition était clairement une gageure pour représenter au mieux le mouvement dans les médias.

Si nous souhaitons réaffirmer le droit de toute personne à participer au mouvement, quelle que soit l’organisation à laquelle elle appartient et le rôle qu’elle y joue, tant que celle-ci partage la revendication phare du mouvement qui est celle du retrait de la loi. Nous maintenons que la condition de sa participation reste sa soumission à la démocratie qui s’exprime dans le mouvement. Il est normal et sain qu’un militant organisé cherche à défendre les orientations et les perspectives qu’il élabore en commun avec les camarades de son organisation. Mais celle-ci ne peut pas et ne doit pas s’opposer à la progression de l’auto-organisation dans le mouvement mais au contraire permettre de la renforcer : c’est la condition de la victoire !