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Répression

Criminalisation et offensive répressive : sept militants condamnés pour « terrorisme »

Le Tribunal correctionnel de Paris a condamné, ce vendredi, sept militants pour « association de malfaiteurs terroriste » dans l’affaire des « inculpés du 8 décembre ». Des condamnations lourdes pour un dossier vide, qui illustrent l’ampleur de l’offensive autoritaire en cours.

Antoine Chantin

22 décembre 2023

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Criminalisation et offensive répressive : sept militants condamnés pour « terrorisme »

Crédits photo : Fred Romero / Creative Commons 2.0

Ce vendredi 22 décembre, sept personnes comparaissaient une dernière fois devant le Tribunal correctionnel de Paris, au terme d’un procès qui s’est étalé un mois durant, du 3 au 27 octobre. Après une séance houleuse au cours de laquelle la Présidente a arbitrairement suspendu la séance pendant de nombreuses minutes après des réactions au sein du public lors de la lecture de la décision, la 16e chambre de la juridiction parisienne a prononcé des condamnations extrêmement sévères à l’encontre des inculpés, condamnant ces derniers à diverses peines pour « association de malfaiteur terroriste ». Ces condamnations, loin d’être anodines, s’inscrivent dans la continuité de la criminalisation du mouvement de soutien à la Palestine qui a vu se multiplier les convocations d’organisations politiques et de militants syndicaux et politiques pour « apologie du terrorisme ». Cette condamnation pour « terrorisme » marque un saut dans l’offensive visant le milieu militant et pourrait servir de précédent pour amplifier la répression et généraliser le fichage des militants sous prétexte de lutte anti-terroriste.

Présenté comme le symbole d’une menace terroriste « d’ultra-gauche », ce petit groupe, dont certains ne se connaissent même pas entre eux, ont eu le tort, selon la Justice, de fréquenter un militant anarchiste jugé coupable d’être parti combattre Daesh en 2017, aux côtés des combattants kurdes en Syrie. Montée en épingle par la justice et le gouvernement, les ressorts de cette affaire reposent principalement sur des liens divers - amoureux, amicaux, rencontre à la ZAD du barrage de Sivens - que les différents prévenus entretiendraient avec ce militant, et les uns avec les autres. La justice y voit pourtant « un groupe violent » en formation, projetant de « commettre des actions de guérilla et des actions violentes contre des cibles institutionnelles », principalement sous le motif que les membres de ce groupe adopteraient un « comportement clandestin ».

Comme nous le rappelions dans ces mêmes colonnes, « la nature des faits reprochés démontre toute l’absurdité des machinations fantasmées par l’appareil de renseignement. » En effet, les armes que l’appareil répressif présente comme l’arsenal, de ce qui serait une entreprise terroriste, ne sont autres qu’un fusil acheté lors d’un vide grenier et trois carabines utilisées pour faire fuir des animaux ou utilisés à des fins esthétiques, le tout sans presque aucunes munitions. Plus encore, la pratique de l’airsoft par certains des prévenus, malgré la légalité de cet activité sportive, mais surtout la confection, à seulement deux reprises, de petits explosifs artisanaux, figurent au cœur des accusations. Plus grave encore, l’usage de messageries cryptées très populaires, tel que WhatsApp, Signal ou Telegram, avaient également été utilisé par les enquêteurs et l’accusation pour criminaliser le petit groupe et lui donner les allures cellule insurrectionnelle au « comportement clandestin » développant une « culture du secret ».

Pourtant, malgré la faiblesse du dossier que les avocats n’ont eu cesse de pointer tout au long du procès, reposant principalement sur des « sous-entendus, insinuations, exagérations et comparaisons douteuses », la 16e chambre du Tribunal correctionnel de Paris n’a pas hésité à condamner les sept inculpés pour « association de malfaiteur terroriste », ponçant, pour l’ensemble des membres de ce groupe de fait, des peines de prison, allant de deux à cinq ans, et l’inscription de six des sept condamnés au fichier des auteurs d’infraction terroriste (FIJAIT). Des condamnations qui, bien que ne débouchant pas directement sur l’incarcération des prévenus, une partie des peines ayant été prononcé avec sursis tandis qu’une part importante des prévenus ont déjà purgé leur peine en détention provisoire, suivent partiellement les réquisitions extrêmes lourdes du parquet qui avait requis des peines de prison allant de deux ans avec sursis, à six ans avec mandat de dépôt. Cette décision n’en paraît que d’autant plus violente, que la présidente de la cour n’a même pas pris la peine de lire l’ensemble des motivations de ce jugement, au terme d’une séance extrêmement houleuse, lors de laquelle les juges se sont lancés dans un véritable bras de fer avec les soutiens des sept inculpés, interrompant à plusieurs reprises les délibérations.

Cette condamnation, au service de la criminalisation du mouvement social, s’inscrit également dans la continuité directe de la répression violente des mobilisations écologistes et sociales, de la rhétorique sécuritaire de Darmanin contre les « écoterroristes » et toute manifestation de soutien pour la Palestine, mais marque un saut en condamnant pour terrorisme des militants, 15 ans après le début de l’affaire Tarnac. Face à un tel procès politique, la mobilisation contre cette répression doit être la plus large, et les organisations du mouvement ouvrier et du mouvement social doivent dénoncer cette attaque.


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