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Front de Gauche et des Travailleurs (FIT)

Élections en Argentine : Del Caño face aux candidats de l’austérité dans le débat présidentiel

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C’est une première pour l’Argentine : un débat de tous les candidats à la présidentielle a été organisé par des journalistes. Auparavant, seuls les candidats recueillant le plus d’intentions de vote, soit les candidats des patrons, étaient invités aux débats. Cela a été l’occasion pour que le jeune candidat du FIT, Nicolas del Caño, s’affronte à ceux de l’austérité et démontre ainsi que les idées portés par l’extrême-gauche argentine peuvent apporter une réponse aux besoins des travailleurs et des classes populaires.

Martín Noda

Qui sont les candidats ?

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Daniel Scioli est le candidat du gouvernement. Ancien pilote de course de bateau à moteur, il est rentré en politique avec un programme conservateur. Il s’est allié à Nestor Kirchner en devenant son vice-président puis le gouverneur de la province de Buenos Aires, la plus importante du pays. S’il est le candidat porté par le kirchnerisme, c’est d’abord parce que son profil plus conservateur lui permet de capter les voix des candidats de l’opposition de droite. Cependant il se trouve en position de relative faiblesse à cause de son manque de charisme et de la crise politique du parti au gouvernement – provoquée par la révélation de dizaines de cas de corruption qui concernent même la présidente Cristina Kirchner, son fils Máximo et le vice-président Amado Boudou. Scioli est en tête, mais rien n’assure son élection. Pour ces raisons, Scioli est le seul candidat qui a refusé de se présenter au débat, même s’il avait été organisé en sa faveur, en resserrant le débat le plus possible.

Mauricio Macri est le candidat de l’opposition de droite qui a le plus de possibilités d’être présent au deuxième tour. Son CV est assez impressionnant. Fils d’un des patrons les plus importants de l’Argentine, qui s’est énormément enrichi pendant la dictature – et ce grâce aux contrats signés avec l’État – il a été d’abord président du Club de football Boca, le plus populaire d’Argentine, puis Maire de Buenos Aires. Un vrai carriériste politique qui entend gérer les affaires publiques au bénéfice de la caste de capitalistes qui l’ont nourri. Macri était présent au débat, mais il n’a pas vraiment pu en tirer profit.

Le troisième candidat, Sergio Massa, est un ancien kirchnériste devenu opposant par calcul politique. Il tire son pouvoir du contrôle des banlieues riches de Buenos Aires et de ses alliances avec d’autres maires de la banlieue, qui sont cependant en net déclin. Il défend une politique de « tolérance zéro », de militarisation des quartiers pauvres et de répression des luttes sociales.

Adolfo Rodriguez Sáa a gouverné avec des méthodes assez mafieuses la province de San Luis pendant 18 ans – et plus encore si on prend en compte les mandats de sa famille. Il a été président d’Argentine pendant sept longues journées après la démission de De la Rua en 2001 ; journées pendant lesquelles il a cherché à recaser les politiciens corrompus des années 90 alors que dans les rues, le mot d’ordre était « qu’ils s’en aillent tous ».

Margarita Stolbitzer, la seule femme, se présente comme une candidate de « gauche » au discours progressiste, dénonçant la pauvreté et les excès du gouvernement, les magouilles et la corruption. Cependant elle n’hésite pas à faire des alliances dans différentes régions avec Macri, qui est soit-disant son « opposé » idéologique, mais qui ne semble donc pas l’être selon sa pratique.

Face à tous ces candidats du régime, pire l’un que l’autre, Nicolás del Caño a réussi à démasquer leur démagogie et mettre en avant le programme du Front d’[extrême] gauche et des travailleurs (FIT), malgré les limites de temps imposées par les organisateurs du débat.

Les propositions du FIT

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Les idées avancées par Nicolás del Caño ont été, tout au long du débat, beaucoup plus claires et cohérentes que celles des autres candidats, qu’il a gênés avec ses interpellations.

Dans le premier sujet – « le développement économique et humain » - Del Caño a mis en avant le besoin de nationaliser les banques et le commerce extérieur pour éviter l’inflation et la fuite des capitaux. Il s’est ouvertement différencié des autres candidats car ils ont, derrière leur discours démagogique évoquant des plans d’infrastructure et d’autres mesures assez vagues, une politique austéritaire pour sortir de la crise. Pour Del Caño, c’est aux profits et non aux travailleurs qu’il faut s’attaquer.

Sur le deuxième axe, « enfance et éducation », le candidat a mis en avant le besoin d’augmenter les salaires des enseignants, qui aujourd’hui peuvent à peine survivre avec leur salaire. Pour lui, il faut que 30% du budget soit destiné à l’éducation, avec des investissements de long terme. Ce sont des mesures plus concrètes que l’éducation de qualité, à l’aide d’outils technologiques ou la formation des enseignants proposés par d’autres candidats, qui n’accompagnent pas leurs propositions des ressources nécessaires pour arriver à la qualité annoncée, à se doter des outils technologiques ou même à former les enseignants.

Bien au contraire, certains candidats, comme Massa, préfèrent lier le salaire au « présentéisme » des enseignants, qui verraient leur salaire se réduire considérablement en cas de maladie. Sur le problème de l’enfance, Del Caño a souligné que l’Argentine avait des ressources suffisantes pour éviter la malnutrition qui existe dans les régions les plus pauvres du pays. Qu’il n’y avait qu’à regarder Cuba qui, après la révolution, est devenu le pays de la région où mortalité infantile est la moins élevée. Le candidat a résumé sa posture en disant : « on défend les acquis de la révolution cubaine mais pas son régime ».

Le troisième axe portait sur « sécurité et droits de l’homme ». C’est sur ce point que Del Caño s’est le mieux différencié, et a même obtenu la reconnaissance de plusieurs journalistes. Il a été le seul candidat à répondre la question sur le droit à l’avortement – interdit en Argentine – en se prononçant pour, comme il le fait au quotidien dans les rues et au parlement. Le silence de la plupart des candidats n’est pas étonnant car ils sont contre ce droit. Le silence de Stolbitzer, censée être progressiste, est dû à ses alliances avec la droite.

Pour la plupart des candidats, la question de la « sécurité » se résume à utiliser plus de policiers, voire l’armée, et à déclarer la guerre aux « narcotrafiquants » – grand et petits. Pour Del Caño, ce qui compte c’est de s’attaquer aux mafias qui sont organisées par la police, et qui peuvent agir grâce à la complicité de ces mêmes politiciens. De plus, les « forces de sécurité » sont souvent utilisées pour persécuter les travailleurs quand ils luttent. Pour Del Caño, demander plus de « forces de sécurité » impliquerait tout simplement plus de répression.

Le quatrième et dernier axe portait sur le « renforcement institutionnel ». Les mesures proposées par Del Caño se sont montrées, de nouveau, plus puissantes que celles des autres candidats, qui ne font que proposer des « grands accords » nationaux, plus de transparence ou défendre la constitution. Del Caño a dénoncé la caste de politiciens qui s’enrichit – légalement et illégalement – avec l’argent de l’État. Il a proposé que les élus gagnent autant qu’un instituteur – comme il le fait déjà en ce qui le concerne. Il a aussi proposé l’élection populaire des juges.

L’interpellation des candidats

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Dans le débat, des moments étaient prévus pour que les candidats se posent des questions entre eux. La plupart ont posé des questions très polies, qui permettaient plutôt de développer le programme des autres. Au contraire, Del Caño a profité des questions pour interpeller les candidats, chose qui a été appréciée par la plupart des journalistes qui ont analysé le débat.

Il a reproché à Macri de parler de plans de constructions sans avoir mis en œuvre cette politique dans la ville de Buenos Aires, où il a réprimé et évacué des occupations de terres dans les quartiers pauvres. A Rodriguez Sáa, il a dit que dans sa province la précarité est monnaie courante, même chez les travailleurs qui devraient être fonctionnaires. Et, de plus, que des entreprises exonérées d’impôts ne respectent pas les droits élémentaires de syndicalisation. Il a reproché à Stolbitzer ses alliances avec Macri. Quant à Massa, Del Caño lui a reproché de vouloir imposer le « présentéisme » aux enseignants alors qu’il avait été absent à 90% des sessions parlementaires !

Une clôture très différente

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Les autres candidats, dans la minute qu’ils avaient pour résumer leurs propositions, ont fait des déclarations très vagues. En contraste Del Caño a conclu en disant : « dans ces élections il y a 6 candidats, mais le FIT est le seul à défendre les intérêts des travailleurs et à s’opposer aux puissants. On vous demande votre soutien pour obtenir plus de députés. Un bon score de notre liste serait un message clair contre l’austérité et le pouvoir. Nous avons été conséquents dans chaque lutte des travailleurs, nous défendons les syndicats en luttant pour que les travailleurs les dirigent démocratiquement à la place des dirigeants actuels. Nous sommes, dans les rues, avec les femmes contre la violence machiste ».

Le résultat du débat

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Pour certains journalistes, le débat n’a pas changé grand-chose dans les intentions de vote. Certes, Scioli avait décidé de ne pas se mouiller, et Macri n’a pas réussi à en tirer profit car l’absence du candidat du gouvernement l’a empêché de polémiquer : il a été vague dans ses propositions. Rodriguez Sáa, qui part très bas dans les enquêtes, a fait de grandes annonces, mais vides, et s’est vu très en difficulté face aux questions concrètes sur sa Province. Il n’avait pas grand chose à perdre, mais il n’a rien gagné. Stolbitzer a essayé de séduire sa base sociale – les classes moyennes progressistes – avec son discours contre la corruption, mais elle s’est abstenue de se prononcer sur le droit à l’avortement.

Des candidats des patrons, seul Massa a réussi à avancer, avec un discours certes cohérent, mais ouvertement réactionnaire. Il a même dit qu’il n’hésiterait une seconde à appeler l’armée pour résoudre le problème de la « sécurité ». Cependant il est difficile de penser que son petit succès lui permette d’arriver au deuxième tour.

Nicolás del Caño a fait une très bonne intervention. Il a réussi à avancer plusieurs points du programme, en particulier le droit à l’avortement et la défense des droits des travailleurs. En quelques minutes, il était difficile de faire plus. Mais le débat lui a certainement permis de se faire entendre davantage, et de se montrer capable de faire face aux politiciens des patrons.


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