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Hommage

Idir, ou le semeur de jalons vers l’authenticité et l’universalité

Idir, monument de la culture algérienne et Kabyle s'est éteint ce samedi 2 mai. Nous souhaitions lui rendre hommage.

Teryel Djebar

5 mai 2020

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Idir ce pseudonyme, nom d’artiste peut-être, adjectif de la langue kabyle signifiant « celui qui va survivre » souvent attribué au nouveau né mâle qui vient égayer un foyer ayant connu la mort prématurée des précédents bébés. Hamid CHERIET de son nom, Idir a écrit de ses lettres, celles de la noblesse de la poésie kabyle chantée. Universitaire fort de sa formation de géologue, il se laisse plonger dans les profondeurs de la culture kabyle, plusieurs fois millénaire, témoins vivant de la profondeur historique du peuple Amazigh, sur les terres d’Afrique du nord, dont le kabyle et la Kabylie, font partie intégrante.

Ce plongeon dans des abysses dangereuses car réprimé un temps, mais réprimé toujours, par les tenants d’une acculturation forcée de ces grands espaces nommés Algérie, à la faveur du couple linguo-culturel arabo-musulman, envahissant les terres, arabisant les consciences et coupant les langues récalcitrantes fussent-elles maternelles et solidement enracinées à cette terre.

Le tout au nom de la légitimité, supposée et présumée, de la religion, qui se veut vecteur d’une divinité attribuée à une langue attribué à Dieu.

Idir a chanté dans sa langue maternelle si controversée car trop authentique. Authentique car en flagrant délit de relation fusionnelle avec la terre. Trop différente de ce qui est « officiellement » imposé et trop rattachée à son ancrage Amazigh et résolument africain.

Africain par son premier titre « A Vava Inouva » divulguant l’existence mais aussi la consistance d’une mythologie riche et héritière d’une grande et vieille civilisation. Africain par l’aura mondiale acquise par ce premier titre provenant de Thamazgha (Afrique du Nord) et partant ainsi à la rencontre du monde, à l’image des Kabyles, éternels candidats à la rencontre des autres à travers l’exil.

Longtemps dans l’exil, à l’image de tous ceux qui ont porté les affres de la culture Amazigh, Idir ne cesse d’écrire la beauté de sa langue on y adjoignant la finesse de son geste caressant les cordes de son instruments, l’entour en scandant des chants remontant du fonds de son être, agrippés à ses cordes vocales.

Idir a aussi chanté « Essendou ». Ce geste ancestrale pratiqué par les femmes du village et consistant à barater le lait pour en tirer du beurre et du petit lait. Ainsi, derrière chaque mouvement révolutionnaire, à priori destructeur, se dégage une énergie foncièrement fondatrice, imprimée selon Idir, dans les mouvements synchronisés de sa mère, ses suppliques mélodieuses et, quelques fois, des larmes fécondes.

Barater est synonyme de secouer, remuer, symbolisant le changement d’un état vers un autre, se retrouve aussi au coeur du combat de Idir, pour l’endroit de s’exprimer dans sa langue maternelle mais également pour un changement majeur dans les fondements de la nation algérienne.

« ... Si nous restons unis, rien ni personne ne pourra nous défaire ».

Ces mots du grand chanteur et poète sont adressés à la nation algérienne du 22 février 2019. Cette nation née dans la douleur d’une gestation post coloniale de plusieurs siècles durant. Plurielle, plurilingue, diversement composée, cette dernière, connaît son lot de travers. Mais c’est autant dans l’union et dans l’adversité, qu’une nation se définit. Se construit.

« … continuons donc à réfléchir en termes de Nation algérienne vers le progrès... ».

Idir eut ces mots, cette sentence envers l’autre révolution algérienne « instant de grâce », qu’il accompagne au crépuscule de sa vie pour, en transcendant sa propre finitude, présager de l’éternité de la volonté d’un peuple.

Dans ses derniers mots à l’adresse de son peuple, Idir semble affirmer que :

Une nation qui va vers le progrès est une nation qui dépasse ses incertitudes.
Une nation qui va vers le progrès, est une nation qui aspire à exister et à coexister.
Une nation qui va vers le progrès, est une nation qui tolère toutes les formes de progrès. Soit toutes les formes de liberté.

Crédit photo : © AFP 2020 ALAIN JOCARD


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