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Les profits avant la santé

Implants contraceptifs Essure de Bayer : l’agence de santé a ignoré un rapport qui signalait le danger

Une enquête publiée ce mercredi par « Splann ! » révèle que l'ANSM connaissait les effets secondaires dangereux pour la santé des femmes de l'implant Essure de Bayer. Pourtant, celle-ci a préféré missionner des chercheurs proches du groupe Bayer pour rendre une contre-expertise.

Esther Tolosa

21 octobre 2022

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Crédits photo : JOHN MACDOUGALL / AFP/Archives

Une enquête publiée mercredi 19 octobre par le collectif de journaliste « Splann ! » révèle de nouveaux éléments dans l’affaire des implants contraceptifs Essure de Bayer. En effet, une expertise reçue par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) alarmait sur le risque de ces dispositifs pour la santé des femmes en avril 2017 , c’est à dire au même moment que son retrait du marché par Bayer. Pourtant, l’ANSM n’a jamais publié cette expertise, et n’a même jamais fait mention de ces risques dans son avis rendu cette même année sur ce dispositif, assurant au contraire que de « nouvelles conditions en termes de règlement [n’étaient] pas nécessaires », comme le rappelle Le Monde dans son article sur le sujet.

Posés sur environ 1 million de femmes dans le monde entre 2002 et 2017, ces implants ont vite été pointés du doigt pour leurs effets secondaires dévastateurs pour une grande partie des femmes qui en portaient, et qui ont même été contraintes de subir une ablation des trompes ou de l’utérus, seul moyen de retirer le dispositif. En France, on estime que 15% des utilisatrices de cet implant, c’est à dire près de 30 000 femmes, ont eu recours à une ablation pour contrer les effets secondaires de cet implant et ont subitement vu leur état de santé s’améliorer. Comme témoigne Isabelle pour Splann : « Essure a pris 10 ans de ma vie, c’était l’horreur ». Elle a en effet rencontré de graves problèmes respiratoires, des difficultés cognitives et des douleurs musculaires importantes suite à la mise en place de son implant, avant en 2016 d’être explanté pour retrouver par « miracle » et en quelques mois seulement « l’usage de ses jambes ».

En 2017, l’expertise commandée par l’ANSM révèle pourtant les risques de corrosion de l’implant, mais l’agence ne la publie pas, au contraire... Dans son avis rendu quelques semaines après la réception de cette étude, l’ANSM assure que« la balance bénéfice-risque de l’implant n’est pas remise en cause » comme le révèle l’enquête. Face à ce résultat et à la multiplication des cas de femmes subissant des effets secondaires très graves, quelques unes d’entre elles décident de s’organiser.

C’est le cas notamment d’Isabelle Ellis, mentionnée plus haut, qui créait l’association bretonne Alerte Contraception en 2018. Au côté d’une chercheuse spécialisée en la matière, Sidonie Revillon, l’association va entamer ses propres recherches et révéler encore une fois le risque de corrosion de l’implant en lien avec les métaux qui le composent. Après la présentation du résultat à l’ANSM la réponse de l’agence est la création d’un groupe d’étude clinique amené à donner ses résultats...dans 15 ans. Et comme si l’attente n’était pas suffisamment méprisante pour les victimes, l’ANSM écarte Sidonie Revillon du groupe d’étude pour mettre à la place des gynécologues connus pour être pro-Essure.

En effet comme le précise Médiapart : « De nombreux experts du sujet ont au contraire des liens ténus avec le laboratoire, notamment ceux impliqués dans la commission Essure du Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF). Par exemple, son président, le professeur Olivier Graesslin, gynécologue-obstétricien au CHU de Reims (Marne), a perçu du laboratoire 35 931 euros entre 2014 et 2019 ». Comment donc croire que ces mêmes spécialistes, qui sont financés par Bayer, vont rendre un avis objectif sur le dispositif ?

Le mépris total pour les victimes et potentielles victimes du dispositif, combiné à un conflit d’intérêt, illustre en premier lieu à quel point la santé des femmes est sous-étudiée et sous-considérée par des institutions médicales soumises à des intérêts capitalistes. Le fait que les victimes obtiennent la justice et la vérité passe par la revendication d’une transparence totale sur les technologies médicales utilisées sur nos corps, ce qui pose inévitablement la question de la levée des brevets d’entreprises telles que Bayer qui encadrent la fabrication et la commercialisation de ce type de produits. Plus largement, il s’agit de lutter contre la privatisation de la recherche et de la santé, pour leur gestion démocratique sous contrôle des chercheurs et des soignants, afin que nos vies ne dépendent plus des profits des grands groupes médicaux et pharmaceutiques.


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