Alors que la république d’Irlande vient tout juste de dépénaliser l’avortement, l’Irlande du nord quant à elle conserve une politique des plus strictes et conservatrices en la matière, limitant le recours à l’IVG aux cas de danger imminent pour la mère. En effet en Irlande du Nord, les femmes ne peuvent pas avorter, même en cas de viol, d’inceste ou d’anomalie du fœtus. Cette interdiction a pour effet d’obliger les femmes nord irlandaises à pratiquer l’IVG au Royaume-Uni, quand elles en ont les moyens, et en risquant pour cela des peines d’emprisonnement.

Seulement, depuis que la république d’Irlande a dépénalisé l’avortement le 25 mai, la situation en Irlande du Nord (rattachée au Royaume Uni) paraît des plus aberrantes. La plus haute juridiction britannique a été ainsi saisie afin de déterminer si cette interdiction consistait en une atteinte à la Convention Européenne de Droit de l’Homme ( CEDH). Verdict on ne peut plus scandaleux de la part de ces 7 juges qui ont considéré que « la loi sur l’avortement en vigueur en Irlande du Nord est incompatible avec l’article 8 de la CEDH [protégeant le « droit au respect de la vie privée et familiale »] dans les cas de viol, d’inceste et d’anomalie fœtale ». ( propos rapporté par le monde). Dans cet arrêt du 7 juin, les juges semble donc botter en touche, n’affirmant pas l’incompatibilité de la loi Nord irlandaise avec la CEDH, n’y voyant tout au plus qu’une entrave à l’article 8. Par là même, ils nient le droit des femmes à disposer de leur corps en limitant cette « incompatibilité » légale à des cas particuliers.

Cet arrêt qui désavantage les femmes nord irlandaises et leur porte atteinte arrange finalement Theresa May une sur l’île d’en face. En effet, le parlement d’Irlande du Nord, siégeant à Belfast, est normalement en charge de trancher la question. Problème, le parlement Nord irlandais faisant l’objet d’un blocage perpétuel entre les partis démocratiques Unionistes ( DUP) et les nationalistes du Sinn Féin, ne se réunit plus depuis plus d’un an. Theresa May, qui a besoin des membres DUP pour conserver sa majorité, préfère donc laisser en charge cette question aux compétences nord irlandaises, au lieu de faire intervenir l’autorité de Westminster, et ainsi d’éviter de froisser les députés unionistes largement anti-IVG. C’est ainsi qu’une question primordiale pour la liberté des femmes passe à la trappe à l’aune des calculs politiques de la première ministre britannique. Et les nord irlandaises continueront encore de traverser la mer afin d’exercer leur droit à disposer de leur corps…