« Toutes nos prières pour les habitants de Gaza victimes une fois de plus de ces bombardements injustes qui n’épargnent ni femmes ni enfants. » Le tweet est signé Karim Benzema, dimanche dernier, alors que la bande de Gaza était ravagée sous les bombes de l’armée israélienne. De quoi déclencher un déferlement de haine contre l’attaquant d’Al-Ittihad, en Arabie saoudite.

Jamais vraiment épargné par une classe politique réactionnaire depuis le début de sa carrière. Alors que tout soutien à la cause palestinienne est criminalisé depuis l’attaque du Hamas en territoire israélien, le 7 octobre, l’ancien international français de football ne fait donc pas exception.

Invité sur le plateau de Cnews le lendemain, Gérald Darmanin s’en prend gravement à l’ancien attaquant du Real Madrid. « Monsieur Benzema est en lien, on le sait tous, notoire avec les Frères Musulmans... Nous nous attaquons à une hydre que sont les Frères Musulmans », lâche le ministre de l’Intérieur, sans le moindre élément concret. Une sortie que s’est empressée de préciser l’entourage du ministre auprès de RMC Sport : « Depuis plusieurs années, nous constatons une lente dérive des prises de position de Karim Benzema vers un islam dur, rigoriste, caractéristique de l’idéologie frériste consistant à diffuser les normes islamiques dans différents espaces de la société, notamment dans le sport. »

« Il n’est pas acceptable que ceux qui gouvernent se croient autorisés à tout par pur opportunisme »

Les faits qui lui sont reprochés ? Son refus de chanter un hymne guerrier comme La Marseillaise lorsqu’il évoluait avec les Bleus ou encore de faire du « prosélytisme sur les réseaux sociaux autour du culte musulman » en y affichant sa religion. Souvent présenté comme le mal-aimé du football français, en raison notamment de son histoire compliquée avec la sélection, le Ballon d’Or en titre s’est défendu par l’intermédiaire de son avocat, Me Hugues Vigier, dans les colonnes du Parisien. « Ceci est faux ! Karim Benzema n’a jamais eu la moindre relation avec cette organisation. Il a d’ailleurs choisi de vivre en Arabie, qui a décrété ladite organisation terroriste, ce que n’a jamais fait la France », a réfuté ce dernier.

Avant de menacer Gérald Darmanin pour ses accusations, sans manquer de pointer l’hypocrisie d’un gouvernement qui cherche à éteindre la moindre voix pouvant s’élever pour prendre la défense des Palestiniens. « Nous réfléchissons à des poursuites à l’encontre de ce ministre en application, par exemple, de la loi sur la manipulation de l’information chère à notre gouvernement… et de la diffamation voire de l’injure publique, parce que ce lien inexistant avec les Frères musulmans qu’il dit pourtant notoire est évidemment présenté comme dépréciatif. Il n’est pas acceptable que ceux qui gouvernent se croient autorisés à tout par pur opportunisme. »

Les attaques à l’encontre de Karim Benzema ne se sont pourtant pas arrêtées là, plusieurs politiques entrant dans la surenchère à propos du quintuple vainqueur de la Ligue des champions. Nadine Morano a par exemple accusé le joueur d’être « un élément de propagande du Hamas », rien que ça. Mais à ce petit jeu ignoble, la victoire revient à la députée LR Valérie Boyer, qui est carrément allée jusqu’à demander la déchéance de nationalité pour l’attaquant franco-algérien, qu’elle accuse de trahison envers son pays. « Une sanction d’abord symbolique serait de lui retirer son Ballon d’Or. Enfin, nous devons demander la déchéance de nationalité, se permet-elle d’écrire sur X. Nous ne pouvons accepter qu’un binational français, internationalement connu, puisse déshonorer et même trahir ainsi notre pays. »

C’est à se demander qui déshonore qui, entre un joueur de football qui adresse ses prières et se positionne du côté de civils innocents massacrés sans que cela n’émeuve personne au sein des pays impérialistes, et une classe politique française toujours prompte à soutenir l’Etat israélien et criminaliser jusque dans l’Hexagone la moindre voix dissonante à coups de poursuites pour « apologie du terrorisme » et d’interdictions du moindre rassemblement en soutien à la Palestine.

Cyril Hanouna, Laurent Ruquier et autres pourront continuer de s’égosiller longtemps devant le refus de certaines personnalités comme Kylian Mbappé de s’exprimer sur le conflit israélo-palestinien après un tel acharnement. En attendant, Karim Benzema aura eu le courage d’adresser une pensée à Gaza, et reste en lice – même si la probabilité reste bien faible – pour un deuxième Ballon d’Or consécutif, le trophée devant être décerné le 30 octobre à Paris.