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Récits

JO : À la Maison des Métallos, la lutte des mineurs en recours s’organise contre les expulsions

Après l’annonce de la fermeture des gymnases où ils sont hébergés, les mineurs en recours dénoncent la décision de la préfecture de les chasser de Paris et les politiques racistes du gouvernement et militent pour la jonction des luttes avant les JO.

Enzo Tresso

10 avril

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JO : À la Maison des Métallos, la lutte des mineurs en recours s'organise contre les expulsions

Crédit photo : Révolution Permanente

Le collectif des Jeunes du parc de Belleville occupe, depuis samedi, la Maison des Métallos, dans le onzième arrondissement. Après l’annonce de la fermeture prochaine des gymnases d’hébergement et des plans de la préfecture qui prévoit de les chasser de Paris pour les envoyer dans d’autres villes, les mineurs en recours se sont rassemblés dans la Maison qu’ils occupent depuis 5 jours. Ils dénoncent la décision raciste de la préfecture ainsi que les offensives xénophobes et antisociales du gouvernement qui souhaite faire « place nette » dans la ville pour les Jeux Olympiques. Présent depuis plusieurs jours sur place, Révolution Permanente s’est entretenu avec les exilés en lutte et leurs soutiens.

« On a tellement rien » : les mineurs exilés face au racisme d’État

Après avoir souvent tout quitté, les mineurs exilés arrivés en France subissent la violence des administrations et le racisme des institutions. Hostile aux étrangers, l’Etat refuse généralement de les reconnaître comme des mineurs, comme Mamadou, guinéen, engagé dans une procédure de recours, qui fait le récit des jeux pervers des administrations avec les exilés et les tests de minorité qu’ils ont à passer pour obtenir leurs papiers : « D’abord, on te demande ton identité. Toi, tu parles un peu français. Ils parlent très vite, tu ne comprends pas, ils essayent de te piéger, tu réponds d’accord et après ils te disent que tu leur caches des choses. Ils font des radios du poignet et des tests sur les os. Quand tu fais un recours, cela peut durer six mois, huit mois, neuf mois. C’est pour nous torturer par l’attente ».

Lors des audiences, lorsque les exilés, qui viennent de pays que la France a occupés et colonisés, montrent leur maîtrise de la langue, « les fonctionnaires retournent cela contre eux » explique Jeanne, une militante qui les assiste dans leur combat : « Ils disent qu’en parlant aussi bien le français, ils ont nécessairement suivi des cours, qu’ils ne sont pas mineurs ».

Les exilés insistent sur les liens qui les unissent au pays : « Quand on entre en Europe, on ne peut rester qu’ici. En Italie, on ne comprend pas la langue. Il n’y a pas d’autre pays dans lequel on puisse s’intégrer. Pour nous, tous les blancs sont des français. Au pays, tous les blancs sont français, le français c’est la langue qu’on parle. La France ne doit pas oublier que nous sommes ses enfants, pas au sens propre, mais ses enfants quand même ».

Reconnus majeurs par les évaluations biaisées de l’administration, les recours prennent du temps, entre six mois et un an. Pendant ce temps, les jeunes exilés sont abandonnés à leur sort : « On nous met dans des gymnases, pour nous héberger. Mais il n’y a rien à manger. Ils ouvrent de 18h30 à 8h mais le reste de la journée, il n’y a rien pour nous, tu n’as pas de papier, tu ne peux pas travailler, on est dehors. Si tu ne reviens pas deux soirs de suite, ils peuvent rayer ton nom de la liste » raconte Mamadou. « Mais la journée on est parfois empêché de revenir avant le couvre-feu, à 21h30 si le contrôleur te vire ou ne veut pas te laisser prendre le métro. On a tellement rien, on est obligé de passer sans billet. Avec la police, c’est la merde. Ils nous arrêtent, ils nous font perdre notre temps, ils nous empêchent d’aller à nos rendez-vous. Ici, ensemble, on passe la journée et on retrouve les les gymnases le soir, mais les non-hébergés restent là ».

« On reste à Paris »

Si le collectif s’est déjà mobilisé à de très nombreuses reprises pour lutter contre la violence raciste des administrations et les politiques xénophobes du gouvernement, l’occupation de la Maison des Métallos a une importance décuplée, nous confie Jeanne, un soutien du collectif : « Cela s’inscrit dans la continuité des anciennes mobilisations mais cela prend une autre ampleur puisque les jeunes hébergés ont été avertis par la mairie, il y a une semaine, que des bus allaient être affrétés par la préfecture pour les envoyer en Province et que les gymnases allaient progressivement fermer à cause des JO. En province, on sait ce qui va leur arriver : ils sont mis en centre d’hébergement, ils les foutent dehors au bout de trois semaines ».

Rejetés vers d’autres villes parce que le gouvernement juge avec mépris leur présence gênante pendant les Jeux Olympiques, les jeunes exilés savent que cet éloignement compliquera encore leurs recours et aggravera leur précarité : « Le problème, continue Jeanne, c’est que leur recours, ils sont enregistrés à Paris. Soit ils font des aller-retours pour voir les avocats ou le juge, lors des audiences, mais il n’y a aucune prise en charge financière, c’est par leurs propres moyens. Soit ils recommencent leurs recours là-bas et se soumettent à nouveau à l’évaluation, sachant qu’un recours peut prendre entre six et neuf mois. C’est pour ça qu’ils mettent sur la banderole devant la Maison “on reste à Paris”. En plus, ils risquent de perdre leurs suivis médicaux et leurs liens sociaux ».

Rassemblés dans la Maison, les exilés ne se connaissaient pas tous. Mamadou résume la situation : « depuis samedi, ils veulent nous expulser de Paris. Ils veulent nous emmener en province, dans des endroits différents, et nous séparer avant les JO. On s’est retrouvé ici, on ne se connaissait pas. On a tous nos soutiens ici. La mairie doit faire quelque chose. Quand on est arrivé ici, on pensait qu’on avait des droits. On n’a rien ».

Depuis le début de la lutte, ils ont rallié des collectifs de sans-papiers et organisé la vie dans la Maison occupée. Sur les murs du réfectoire, des dizaines de dessins illustrent leurs mots d’ordre. « Nous ne voulons pas partir en Province ». « Je suis ici pour obtenir un hébergement ».

Après des premiers jours agités, les jeunes se préparent à fêter l’Aïd tandis que les assemblées générales se tiennent chaque jour. Rassemblant les jeunes et les délégués qu’ils ont élus, elles sont au cœur de la lutte et rythment les journées : « Pour l’organisation habituelle et les décisions, explique Jeanne, on a des délégués envoyés par chaque chaque gymnase et un délégué pour les non-hébergés. Actuellement il y a quatre gymnases de jeunes en recours et une école maternelle. À chaque fois, il y a, d’abord, une réunion avec les délégués, avec la mairie quand il y a une délégation. Ensuite, les propositions sont présentées pendant les assemblées générales qui ont lieu entre une et deux fois par jour. Les jeunes posent leurs questions et on rapporte les discussions avec la mairie, les idées et les débats. Les jeunes animent ces assemblées. Ce sont eux qui gèrent et tout passe par eux. Nous on les soutient pour faire le lien avec l’extérieur, pour s’occuper de la bouffe, de la logistique, des médias, pour contacter les syndicats ».

Les représentants de la mairie n’ont pas apporté de solution tandis que la préfecture préfère ignorer les mineurs en recours. Sans garantie que les gymnases ne fermeront pas et qu’ils ne seront pas rejetés hors des murs de Paris, contraints de monter dans des bus pour un nouvel exil, les occupants de la Maison demandent des logements salubres et un hébergement digne et exigent de la préfecture qu’elle s’engage à ne rien entreprendre pour les chasser de Paris pendant les Jeux Olympiques.

Contre les Jeux de l’injustice, rendez-vous vendredi 12 avril, Place de la République

Alors que le gouvernement multiplie les offensives antisociales et racistes, la préparation des JO s’accompagne d’une vaste campagne policière contre les habitants des quartiers, les sans-abris, les sans-papiers et les étudiants, chassés des CROUS réquisitionnés. La lutte des mineurs en recours peut devenir la pointe avancée de la lutte contre ces Jeux de l’injustice, martèle Jeanne : « C’est une situation charnière qui est au croisement de tellement de luttes. Ce n’est pas uniquement la question des mineurs en recours même si leurs revendications sont cruciales—raccourcir les délais, demander des hébergements, etc. Au-delà de ça, face à la loi Darmanin, face aux JO, si on veut vraiment construire une lutte antiraciste, une lutte anticoloniale, cela part vraiment d’ici parce que cette lutte, c’est un exemple unique : des gens qui s’organisent, qui se politisent, qui font le lien avec des collectifs de sans-papiers, qui font des liens avec les syndicats de la culture et de l’éducation ».

Par le passé, le collectif avait déjà initié plusieurs jonctions entre les combats, comme avec le secteur de la culture qui se bat contre la fermeture de la BPI, où les jeunes exilés passent beaucoup de temps, et le secteur de l’éducation qui tente d’obtenir une politique de scolarisation pour les mineurs en recours. Tandis que le gouvernement tire prétexte des Jeux olympiques pour faire « place nette » dans les villes, la lutte du collectif montre la voie : « Il y a plein de liens avec les publics précaires qui risquent l’expulsion, avec les gens à la rue qui vont se faire encore plus harceler pendant les JO pour que la ville soit “propre”. Il y a vraiment quelque chose à construire et si on arrive à faire de ce lieu un grand lieu de lutte, si on arrive à faire venir les syndicats, on pourra montrer à ce gouvernement qu’il y a une grande partie de la société qui refuse de vivre dans un monde où on harcèle, on discrimine, où les plus précaires se font taper dessus pendant que les riches s’engraissent ».

Une cagnotte a ainsi été créée pour faciliter les déplacements des exilés et acheter de la nourriture, afin de tenir les nuits de faim dans les gymnases : « La cagnotte existe depuis pas mal de temps. Il y a eu quelques dons de la part de syndicats mais, ces derniers jours, parce que la lutte grandit, il y a eu beaucoup de petits dons de 5 ou 10 euros. La cagnotte permet d’acheter des tickets de métro pour les exilés qui viennent aux AG. Ils repartent avec le ticket de métro, sinon c’est vraiment risqué pour eux : ils se font harceler par les contrôleurs. Elle sert aussi à acheter de la nourriture ».

Face à la décision de la préfecture et aux offensives du gouvernement, il importe de soutenir la lutte autogérée du collectif des mineurs en recours, de donner à la cagnotte des jeunes exilés et de faire preuve de notre solidarité en venant massivement à la manifestation prévue ce vendredi 12 avril, à 16h, au départ de la Place de la République, qui s’achèvera à la Maison des Métallos.


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