En janvier 2014, l’entreprise GoodYear d’Amiens a fermé ses portes, laissant plus de 1 100 salariés sur le carreau. Les salariés se sont battus pendant 7 ans pour garder l’usine ouverte. Leur dernière action a été de séquestrer deux cadres (le DRH et le directeur de la production) pendant 30 heures, sans violence, afin de protester contre la fermeture imminente de l’usine et le millier de licenciements que cela allait entraîner. À la suite de ce baroud d’honneur de la part des travailleurs, huit d’entre eux, pris au hasard sur les 800 participants à l’action, ont vu l’entreprise et les deux cadres porter plainte à leur encontre.

L’accord de fin de conflit, signé avec les syndicats fin janvier, stipulait que l’entreprise et les deux cadres retireraient leur plainte, ce qui a été fait. Mais c’était sans compter sur le procureur qui s’acharne depuis, alors que « dans la plus grande majorité des cas, les poursuites sont abandonnées » selon Mickaël Wamen, syndicaliste CGT et tête d’affiche de la lutte. «  Le fait que le procureur veuille coûte que coûte continuer la procédure prouve que c’est politique  » a-t-il insisté.

D’autant plus que l’entreprise Titan, candidat américain provisoire à la reprise de l’usine dont le patron s’était illustré par la diffusion d’une lettre anti-syndicale et diffamatoire à l’égard des ouvriers en France, vient de trouver un accord avec GoodYear qui lui permet de distribuer en Afrique et en Europe des pneus fabriqués dans son usine russe de Volvograd, alors que le marché européen était censé s’être effondré. Mickaël Wamen rétorque que « c’est la preuve qu’ils se sont foutus de notre gueule depuis le début. »

Ce procès s’inscrit dans un contexte où le gouvernement se montre de plus en plus ferme à l’égard des secteurs combatifs du monde du travail et de la jeunesse. En poursuivant les anciens travailleurs de GoodYear, l’État veut en faire un exemple. La criminalisation de la colère ouvrière risque par ailleurs de se durcir après les attentats du 13 novembre et l’instauration de l’état d’urgence. Des salariés d’Air France, cas emblématique de la contestation ouvrière ces derniers mois, ont récemment été perquisitionnés sur leur lieu de travail. Un signe alarmant du contexte à venir.