Un pas important a été franchi, rapprochant le moment où l’état d’urgence, décrété il y a près de trois mois déjà, puis prolongé, sera susceptible d’être gravé dans le marbre. L’union nationale se maintient, même si elle s’étiole, les frondeurs du PS et le groupe Front de gauche ayant cette fois-ci osé se démarquer des consignes gouvernementales. Valls était là d’ailleurs, dans l’hémicycle, prêchant la sacro-sainte unité de la Nation aux brebis égarées.

Invention de 1955, « l’état d’urgence » a vu le jour afin que le gouvernement « socialiste » d’alors n’ait pas à recourir à la législation dite d’état de siège, valable en temps de guerre. On désignait sous « les événements en Algérie » une guerre coloniale des plus atroces qu’il ne fallait surtout pas nommer comme telle. Législation de guerre conçue pour une guerre qui ne devait pas dire son nom, méthode contre-subversive utilisée contre une population en révolte, l’état d’urgence est aujourd’hui un mode de gouvernement pour exécutifs en crise. L’exception devient la règle et les traits bonapartistes du régime sont renforcés. Sous la Cinquième, le premier ministre pouvait déjà gouverner par ordonnance, avec le fameux 49-3… Il peut à présent soumettre la population à la loi martiale sur simple convocation du conseil des ministres.
L’Etat ne se préoccupe plus de cacher sa guerre contre les populations qu’il veut soumettre, il en fait sa devise. À charge pour nous d’user « du plus sacré des droits » et du « plus indispensable des devoirs » … l’insurrection, seule consigne valable à avoir jamais été inscrite dans une constitution nationale en France.