Comment annoncer une augmentation « considérable » des budgets sans mettre la main à la poche ? C’est le nouveau tour de passe-passe réalisé par le gouvernement au sujet de l’hôpital public. Ce jeudi, à l’occasion d’un déplacement à Rouen, la première ministre Elisabeth Borne, a présenté son plan pour concrétiser un « choc d’attractivité » dans le service public de la santé. Problème : sur la hausse de 1,1 milliard d’euros de revalorisations salariales annoncée, 600 millions correspondent à des mesures déjà annoncées.

La rémunération de nuit des infirmiers et des aides-soignants sera donc dès janvier « majorée de 25% », et le forfait versé pour le travail le dimanche et les jours fériés augmenté de 20%, soit dix euros de plus par jour, selon le ministère de la Santé. Interrogé par L’Humanité, le Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI) expliquait : « neuf euros de plus le week-end, cela ne va pas retenir ceux qui en ont marre de travailler en sous-effectif, d’être sous-payés et de la maltraitance institutionnelle ». « Les annonces ne sont rien d’autre qu’une mise en scène », réagit Marie-Laure Charchar, secrétaire de la CGT Blanchisserie du CHU de Bordeaux. « On remarquera d’ailleurs que le personnel non soignant en est toujours écarté. En réalité, il ne s’agit aucunement de traiter le fond du problème, mais uniquement de pérenniser ce qui existait déjà. » Sur tous les médias, les représentants des différents métiers sont tous unanimes : ces faibles augmentations n’arrêteront par la fuite des personnels.

Ces revalorisations viennent en grande mesure « pérenniser » les dispositions provisoires décidées à l’été 2022, alors que l’hôpital se retrouvait sous haute tension avec la multiplication des fermetures dans les services d’urgence. François Braun, alors ministre de la Santé avait déployé une quarantaine de mesures, et parmi elles la revalorisation de 50% des gardes de médecins à l’hôpital, et le doublement de l’indemnité versée aux soignants la nuit, passant de 1 à 2 euros par heure. Pour « la reconnaissance de la pénibilité du travail », au détriment de la question des salaires, il faudra à nouveau se contenter donc de majorations des heures de nuit (et nouveauté, du forfait week-end et jours fériés). Une provocation de plus dans un contexte qui reste à l’inflation.

Derrière l’affichage en grande pompe de ses mesures cosmétiques, le gouvernement poursuit en catimini sa politique de destruction de l’hôpital public. L’utilisation du 49-3 pendant la réforme des retraites a imposé un budget qui ne couvre pas l’inflation et qui mécaniquement entraînera de nouveaux plans d’économies avec des fermetures de lits et des suppressions de poste. Cerise sur le gâteau, la réforme des retraites (entrée en application ce vendredi 1er septembre) va obliger les infirmiers à travailler neuf ans de plus qu’il y a vingt ans. « Dans le même temps, l’hôpital continue de se fracturer, sans personnel et alors que les fermetures de services deviennent banales » conclue Marie Laure Charchar.