Julian Vadis

C’est au travers d’une lettre publique que Jean-Marie Le Pen s’est adressé à sa fille ce mardi 23 février. S’adressant à « la présidente du front national », le quintuple candidat aux présidentielles pour le parti d’extrême droite appelle à « l’unité » au prix d’un « dernier effort ». En cas de réponse négative, Jean-Marie Le Pen menace de lancer un mouvement concurrent au parti qu’il a lui-même fondé.

« Que Jean Marie Le Pen y aille ! » a réagi Wallerand de Saint-Just, président du groupe Front National au conseil régional d’Île-de-France. Il s’agit, à l’heure où nous écrivons ces lignes, de l’unique réaction au sein du parti d’extrême droite vis-à-vis de l’ultimatum lancé par Jean Marie Le Pen ce mardi. Si ce dernier a affirmé, sur les ondes de France Inter, qu’il ne s’agissait « pas [d]un ultimatum, mais plutôt d’une proposition qui est faite dans un esprit de coopération », la menace de la formation d’un nouveau mouvement concurrent au FN ne tarde pas : « Si cette proposition était rejetée, [que] je me résoudrais à faire autre chose ».

« Cette lettre est un dernier effort avant qu’il ne soit définitivement trop tard […] Des demandes pressantes me conduisent à organiser, si possible à l’intérieur ou en parallèle du le Front National, un rassemblement des volontés patriotiques fidèles à la ligne politique d’un changement décisif. Si notre démarche n’aboutit pas, conscients des terribles dangers qui menacent notre patrie, nous ne baisserons pas les bras, et agirons alors et à regret en dehors du Front National. » Le message est on ne peut plus clair. Soit Marine Le Pen répond favorablement aux exigences d’unité du patriarche, soit le FN devra faire face à une nouvelle formation dans une guerre fratricide. Fustigeant la politique de la dédiabolisation, Jean Marie Le Pen accuse la présidente du FN d’avoir voulu « l’exclusion […] de la ligne politique » qu’il avait « incarnée naguère [...] fidèle à ses principes et à ses objectifs nationaux ».

Reste à savoir quelle sera la réaction du Front National. Toutefois, il y a peu de chance de voir Marine Le Pen céder aux exigences de son père. Ce dernier, à travers ce message, semble s’adresser plus particulièrement à l’aile la plus radicale du Front National et aux groupuscules d’extrême droite qui ont le vent en poupe. Jean Marie Le Pen se cherche-t-il une porte de sortie ? Là aussi le doute est permis puisque la menace de la création d’un nouveau mouvement à la droite du FN est agitée par l’ex-candidat à la présidentielle depuis plusieurs mois. Durant les élections régionales, Jean Marie Le Pen avait même soutenu l’ensemble des candidatures frontistes, même celles de ceux qui avaient œuvré à son exclusion.

Une chose est sûre, c’est que la lettre publiée par Jean-Marie Le Pen laisse entendre que le Front National aurait perdu ses « valeurs », qu’il se serait « gauchisé » en somme. Si cette menace s’avère être en réalité un coup de bluff, la manœuvre irait dans le sens de la campagne de dédiabolisation du FN, qui connait un sérieux coup de mou depuis le deuxième tour des régionales. Or, si le discours s’est assagi, l’ADN du Front National est toujours celui du parti créé par Jean Marie Le Pen, profondément xénophobe, sexiste et anti-ouvrier. En ce sens, un coup de bluff relèverait d’un coup de pouce du père à la fille en vue des présidentielles de 2017.