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Etats-Unis

Maccarthysme : une députée démocrate censurée pour ses positions pro-Palestine aux Etats-Unis

La chambre des représentants des Etats-Unis a censuré la députée démocrate Rashida Tlaid en raison de son soutien à la Palestine face aux massacres que mène Israël. Une sanction lourde qui marque un nouvel acte de la campagne maccarthyste contre les positions propalestiniennes, tandis que le mouvement anti-guerre aux Etats-Unis, fragilise Biden et les Démocrates.

Yann Causs

13 novembre 2023

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Maccarthysme : une députée démocrate censurée pour ses positions pro-Palestine aux Etats-Unis

Photo : Left Voice

Dans la soirée du 7 novembre aux Etats-Unis, un vote réalisé précipitamment par Chambre des représentants a décidé, à 234 contre 188, de censurer Rashida Tlaib, députée démocrate du Minnesota, en raison de son soutien affirmé à la Palestine. Le vote d’une censure à l’encontre d’un membre de la Chambre représente la forme de condamnation la plus sévère avant une expulsion pure et simple et s’accompagne généralement de l’ouverture d’une enquête par la commission d’éthique de la Chambre. Il s’agit seulement de la 26ème résolution de censure votée dans l’histoire de la Chambre des représentants.

Une résolution de censure inédite contre une élue démocrate qui soutien la Palestine

Présentée par le républicain Rich McCormick de Géorgie, la résolution de censure à l’encontre de Tlaib, la deuxième en deux semaines, a été adoptée cette fois-ci après que 22 démocrates aient rejoint la majorité républicaine en votant « oui ». Au cœur de la motion de censure se trouvent des déclarations de Rashida Tlaid qui « promeuvent de faux récits à propos de l’attaque du Hamas sur Israël le 7 octobre et appellent à la destruction d’Israël » selon son dépositaire. Plus précisément, il est reproché à l’élue démocrate l’utilisation du slogan « de la rivière à le mer, la Palestine sera libre », décrit par la motion comme un « appel génocidaire à la violence visant à détruire l’État d’Israël et son peuple pour le remplacer par un État palestinien s’étendant du fleuve Jourdain à la mer Méditerranée ». Une justification alignée sur la propagande de l’Etat colon d’Israël, reprise même dans les rangs démocrates, notamment par l’élu de l’Illinois Brad Scheinder, pour qui ce slogan n’est rien d’autre qu’un appel « au meurtre des juifs ».

Cette résolution de censure scandaleuse qui vise Rashida Tlaid ne vient pas par hasard. En effet, née de parents palestiniens et ayant de la famille vivant toujours en Cisjordanie, l’élue démocrate a régulièrement critiqué la politique de colonisation et d’apartheid du gouvernement israélien, ainsi que de l’aide continue des États-Unis à Israël. Tout en s’étant démarqué de l’attaque du 7 octobre par le Hamas, elle critique régulièrement le siège et les bombardements continus d’Israël sur Gaza, condamnant les restrictions imposées sur les services essentiels tels que la nourriture, l’eau et l’électricité à Gaza, ainsi que le meurtre de plus de 11 000 Palestiniens, la majorité étant des femmes et des enfants.

Après le vote, émue, Tlaid s’est insurgée contre les motivations de cette censure : « L’idée que critiquer le gouvernement d’Israël est antisémite crée un précédent très dangereux, et elle est utilisée pour faire taire les voix diverses qui défendent les droits de l’homme dans tout notre pays. » Elle a ajouté ensuite : « Je n’arrive pas à croire que je doive dire cela, mais le peuple palestinien n’est pas jetable. »

Une censure qui s’inscrit dans la campagne maccarthyste contre les soutiens à la Palestine aux Etats-Unis

La censure d’une député nationale, certes élue de l’aile gauche avec une position marginale dans l’établishment démocrate, est une attaque anti-démocratique majeure qui laisse présager une offensive contre l’ensemble voix pro-palestiniennes, empêchés d’exprimer le soutien à la Palestine. Depuis des semaines en effet des étudiants, des activistes et des travailleurs à travers les États-Unis ont été doxxés, ciblés et licenciés. Leur soutien à la vie des Palestiniens est assimilé à un soutien au terrorisme par les collèges et universités, les employeurs, les organisations sionistes et les politiciens à différents niveaux de gouvernement. La lutte pour la vie et la dignité des Palestiniens, ainsi que la critique du sionisme et de l’État colonial de peuplement d’Israël, a été assimilée à de l’antisémitisme, et ce mensonge a servi de base aux attaques et à la censure continues.

Des médecins de l’hôpital Lenox Hill et de l’Université de New York ont été licenciés ou risquent d’être licenciés, tout comme des journalistes et des professeurs. La semaine dernière, l’organisation de défense des droits Palestine Legal aux États-Unis a signalé avoir répondu à plus de 260 cas de personnes dont « les moyens de subsistance ou les carrières » étaient visés. Par ailleurs, l’État et d’autres institutions ont continué de persécuter les manifestants pro-palestiniens au nom de la « lutte contre l’antisémitisme ». Le mois dernier, avec un soutien unanime, le Sénat a adopté une résolution condamnant les groupes « pro-Hamas », un jour seulement après les manifestations d’étudiants dans les grandes universités du pays. À New York, la gouverneure Kathy Hochul a fait adopté un plan d’action de 75 millions de dollars pour « lutter contre l’antisémitisme ». En réalité, la majeure partie de cet argent a été allouée à la police et à l’intensification de la surveillance des médias sociaux sur les campus universitaires. Hochul a également ordonné un « examen indépendant » de la politique de la City University de New York en matière d’antisémitisme et de discrimination, qui n’a d’autre but que d’étouffer et de punir le mouvement étudiant anti-sioniste en solidarité avec la Palestine.

Une répression qui va de pair avec une décomplexion totale des propos des élus et sénateurs, en particulier Républicains, qui surenchérissent d’outrance à l’encontre des palestiniens pour appeler à l’annihilation totale de Gaza, ainsi que pour menacer de déporter des activistes étudiants internationaux.

Une censure contre une élue pro-palestinienne dans un contexte de remise en cause profonde du parti démocrate

Ainsi, dans la lignée de la répression de la solidarité avec la Palestine opérée par l’establishment américain et le gouvernement de Biden, cette résolution de censure vient réaffirmer avec force le soutien inconditionnel du régime à l’Etat d’Israël. Une position soutenue malgré que 66% des américains, quel que soit leur parti, soutiennent un cessez-le-feu, et que le mouvement de solidarité avec la Palestine grandissant aux Etats-Unis remet profondément en cause la complicité de Biden et de son gouvernement dans le soutien au nettoyage ethnique en Palestine.

En effet, depuis plusieurs semaines et une nouvelle fois le week-end dernier, des centaines de milliers de personnes se sont mobilisées pour exiger la fin des bombardements en Israël sur la bande de gaza. Parmi eux, des membres communauté arabe, des militants juifs anti-sionistes, et des franges de plus en plus large du mouvement étudiant s’en prennent directement au rôle de Biden dans le massacre en cours. Et pour cause, depuis le début de cette phase du conflit Joe Biden affiche un soutien intransigeant à Netanyahu, affirmant que les États-Unis resteront toujours aux côtés d’Israël qui « ne sera jamais seul ». Depuis lors, il a effectué un voyage diplomatique en Israël et a demandé au Congrès 100 milliards de dollars de financement militaire supplémentaire, dont 14 milliards de dollars sont destinés à Israël, ce qui lui faut l’hostilité d’une partie de la base sociale du parti Démocrates, qui a joué un rôle clé dans son élection. Dans ce sens, les dernières déclarations de Bernie Sanders rejetant un potentiel cessez-le-feu ne peuvent que renforcer la conviction d’une partie de la jeunesse et des travailleurs mobilisés que la Parti Démocrate soutient en réalité le génocide à Gaza.

Face à cela, les expressions politiques de travailleurs et de syndicats en faveur du cessez-le-feu grandissent, tandis que de nouveaux blocages d’usines d’armements ont eu lieu. De leur côté un mouvement étudiant qui lutte contre l’intervention américaine grandit avec la multiplication de rassemblements, sit-in, die-ins et des manifestations contre la violence d’Israël, rappelant les mobilisations anti-guerre des années 1960 et 70.

Ainsi, malgré la répression, le mouvement anti-guerre continue de se développer aux Etats-Unis en se nourrissant de la crise de légitimité du régime bipartite, dont le rôle dans la catastrophe en cours en Palestine n’échappe plus à personne, et ouvre ainsi des contradictions importantes pour la première puissance mondiale et principal allié d’Israël.


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