En pleine polémique autour de l’affiche du festival de Cannes, pour laquelle la photo de Claudia Cardinale a été retouchée à l’extrême afin, entre autres, de la rendre beaucoup plus mince, JCDecaux signe le contrat du marché du mobilier urbain avec la Ville de Paris. Le groupe, leader français du secteur, était le seul candidat pour ce marché.

Les antécédents de JCDecaux en matière de sexisme

JCDecaux est déjà notoirement connu pour plusieurs polémiques autour de questions de sexisme. A Angers en novembre dernier, la société avait retiré de ses panneaux les affiches d’une campagne de prévention contre le VIH qui montraient notamment deux hommes s’embrassant. En effet, le maire de la ville Christophe Béchu (LR), avait expliqué que « Volontairement choquante, cette campagne d’affichage est diffusée à proximité des écoles […] délivrant ainsi un message que les jeunes enfants sont incapables de comprendre, de discerner, d’appréhender. » Ainsi, dans la droite lignée de l’idéologie véhiculée par les partisans de la très réactionnaire Manif pour Tous et de ses satellites, JCDecaux ne s’était pas fait prier pour appliquer immédiatement cette censure décomplexée.

Quelques semaines plus tard, au début du mois de janvier, cette même société a affiché sur ces panneaux des visuels émanant de divers groupes anti-IVG des plus rétrogrades regroupés dans le collectif « En marche pour la vie », dans le cadre d’une campagne de désinformation massive. Sur ces publicités, également relayé parFamille Chrétienne, Valeurs Actuellesmais aussiLe Figaro, les femmes étaient mises en scène dans une situation où elles semblaient ne pas pouvoir prendre de décision par elles-même, et l’avortement était ouvertement condamné.

JCDecaux avait alors déclaré avoir été victime de « piratage », sans entrer plus dans les détails. Parce que le sexisme et la discrimination font vendre.

Quand les publicitaires s’engraissent sur le dos des femmes

« Le nouveau contrat prévoit que le concessionnaire s’engage à s’assurer qu’aucune publicité à caractère sexiste ou discriminatoire ne puisse être diffusée sur le réseau municipal d’affichage ». Au-delà des polémiques existant autour du groupe JCDecaux, la mesure prise par la Ville de Paris semble être bien faible tant le sexisme est omniprésent dans les publicités en général.

Le simple fait d’afficher à longueur de journée des corps dénudés de femmes extra-minces retouchées à outrance, le fait que le groupe s’engraisse sur des publicités pour une ribambelle de produits « de beauté » toxiques allant du fond de teint aux talons hauts, est déjà une violence psychologique quotidienne faite aux femmes. Le fait que JCDecaux ait des antécédents avec des émanations de la Manif pour Tous ne fait que confirmer le fait qu’il n’existe aucune morale pour ces grands groupes capitalistes, et que tant que le corps des femmes fera vendre, il continuera à être instrumentalisé et contrôlé.

Mais quand bien même la décision du Conseil de Paris semble progressiste, comment la Ville détermine-elle le « caractère sexiste ou discriminatoire » d’une publicité ? Qui en contrôlera l’affichage ? Vont-ils interdire l’affichage des publicités pour les rouges à lèvre ? Celles qui érigent en modèle des femmes et des hommes photoshopés, hétéronormés, blancs ?

C’est bien aux premières concernées, les femmes et les personnes LGBTI, de déterminer quelles affiches sont discriminatoires à leur égard. Car tant que des groupes tels que JCDecaux auront le pouvoir de décider des images qui viennent s’immiscer dans notre imaginaire et notre inconscient, le sexisme sera de mise sur les murs de nos villes.