Le succès du meeting « Faisons front » à l’Université Paris 1 le 6 octobre contre les violences policières, l’islamophobie et le racisme, a ouvert un débat à gauche sur comment les différents secteurs qui sont victimes des violences policières, que ce soient les militants syndicaux, la jeunesse étudiante ou les personnes racisées, peuvent agir en commun. C’est que la violence d’Etat a la particularité de fractionner les différentes populations sur lesquelles elle s’abat, jusqu’à dresser les unes contre les autres à travers de discours sur la « jeunesse des quartiers », les « casseurs », ou les « mauvais syndicalistes ».

Le tournant répressif entrepris par le gouvernement depuis le printemps a été un des sujets revenu sans cesse lors du débat organisé par Vacarme : quelles sont les continuités et les ruptures dans le gouvernement par la violence ? La France a une vieille histoire de violences policières dans les quartiers populaires dans la continuité de la domination coloniale. Mais les participants ont pu constater qu’il y a de la nouveauté malgré cette violences structurelles, à la fois l’extension de la violence policière et son approfondissement. Il y a donc des nouvelles expériences de cette violence. Comme l’a dit Nan Suel de Terre d’errance, la violence policière ne s’abat plus seulement sur les migrants, mais tend à concerner également sur les soutiens, notamment ceux qui filment les scènes de violence, dans le but d’effacer toute preuve et ainsi garantir l’impunité policière. De la même manière, Guillaume Vadot a insisté sur le fait que son affaire a autant choqué la communauté universitaire parce qu’il a touché un milieu professionnel d’habitue à l’abri des crimes commis par les forces de l’ordre. Mais des formes de résistance ne sont pas exclues. Sihame Assbague a rappelé que les manifestations suite à la mort de Adama Traore ont été les plus importantes depuis 2005.

Cette extension et approfondissement de la violence policière serait liée à une autre nouveauté, cette fois-ci plus politique, celle de la profonde crise de légitimité des institutions de la Vème République. Les mécanismes qui autrefois assuraient une domination considérée comme légitime, qu’ils s’agisse du système électoral ou d’institutions comme la police elle-même, tendent à faire faillite : abstention, crise du bipartisme, etc., montrent que les dominants ne peuvent plus dominer comme avant.

Certes, il existe une différence de degré entre la violence subie par les réfugiés dans les camps au Nord de la France, exposés en permanence au harcèlement policier et au risque d’une mort dans l’anonymat, la violence subie par les personnes racisées, qu’elle soit quotidienne sous la forme du contrôle au faciès ou dans les morts dans des circonstances obscures, ou celles subie par la jeunesse scolarisée qui s’est mobilisée contre la loi travail. Mais il existe également une forme de continuité dans la nature de cette violence : un instrument aux mains d’une minorité pour exercer sa domination sur les opprimés et les exploités. Comme l’a dit Eric Fassin lors de sa conclusion, c’est cette même nature qui peut être à l’origine de ponts qui rendent possible une action commune et de nouvelles perspectives politiques. Au moyen terme, une d’entre elles pourrait être une mise au service de l’université et des sciences sociales dans l’étude et la dénonciation des violences policières, leur recensement, le recueil de témoignages. Mais au court terme, la montée nationale à Amiens appelée par les Goodyear constitue une nouvelle étape cruciale d’un front contre les violences policières, cette fois autour d’un secteur du mouvement ouvrier.