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Conseil constitutionnel

Loi immigration : pourquoi Macron saisit-il le Conseil constitutionnel et que faut-il en attendre ?

Ce mardi, Macron a saisi le Conseil constitutionnel sur la loi immigration tandis que les partis de l’ex-NUPES ont déposé une saisine commune dans une ultime tentative d’amender la loi. Retour sur les enjeux de la décision à venir.

Joshua Cohn

27 décembre 2023

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Loi immigration : pourquoi Macron saisit-il le Conseil constitutionnel et que faut-il en attendre ?

Crédit photo : Mbzt - Wikimedia Commons

En saisissant le Conseil constitutionnel ce mardi comme il l’avait annoncé, Macron poursuit un double objectif. Le gouvernement cherche à légitimer un texte violent et raciste qui a provoqué des remous dans son propre camp, avec notamment la démission du ministre de la Santé Aurélien Rousseau, en le parant des atours de la « constitutionnalité » et du respect des « droits fondamentaux ». L’autre enjeu est d’obtenir la censure de certaines disposions absentes du projet gouvernemental initial et concédées à la droite afin de faire le service après-vente d’un texte qui a ratifié nombre de revendications historiques de l’extrême-droite et de réaffirmer ses différences avec LR pour défendre son espace électoral.
 

Une saisine très politique du Conseil constitutionnel

 
La lecture de la saisine présidentielle est sur ce point éclairante puisqu’elle insiste sur les différences entre le projet de loi gouvernemental et le résultat final du travail parlementaire : « Les 26 articles du projet de loi initial ont été complétés de 60 articles supplémentaires, correspondant principalement aux dispositions que les parlementaires ont souhaité introduire dans le texte. »
 
Cette démarche est appuyée par Yaël Braun-Pivet, présidente Renaissance de l’Assemblée nationale, qui saisit également le Conseil, attirant son attention sur trois dispositions chères au Républicains : le débat annuel sur la politique migratoire et le vote de quotas d’accueil, le rehaussement de la condition de séjour régulier de 18 à 24 mois pour l’exercice du droit au regroupement familial, ainsi que les nouvelles conditions de durée de résidence ou de travail pour certaines prestations sociales dont les allocations familiales.
 
D’autres mesures pourraient potentiellement être retoquées telle la fin de l’automaticité du droit du sol, le rétablissement du délit de séjour irrégulier, ou encore la caution demandée aux étudiants étrangers. Toutefois, même allégé de certaines de ces mesures, le texte de la loi immigration resterait un texte profondément raciste et réactionnaire, marquant un saut dans l’arsenal des préfectures pour harceler les étrangers, notamment par l’élargissement et l’accélération des procédures d’expulsions, prévues dans le projet gouvernemental initial et figurant dans la version finale.
 
L’essentiel pour le camp présidentiel qui a dû encaisser le coup de la motion de rejet est de chercher désormais à « clarifier ses lignes » après les soubresauts de son flanc gauche et les importantes concessions qu’il a faites à la droite en commission mixte paritaire. En d’autres termes, la saisine du Conseil constitutionnel par le chef de l’État s’inscrit dans la succession de tentatives de bricolages mises en place par l’exécutif depuis le vote du texte, entre les annonces d’une seconde délibération en cas de validation du projet de loi par les votes du RN ou encore la remise en cause de la caution pour les étudiants étrangers sur fond de recherche d’une issue à la crise politique qui couve jusque dans les rangs de la majorité présidentielle. Un effort de réhabilitation d’un texte profondément réactionnaire, qui fera difficilement oublier cependant que le gouvernement a pavé la voie aux revendications historiques de l’extrême droite et que le texte qui s’annonce, même en cas de reprise par le Conseil Constitutionnel, ne promet pas moins une offensive historique contre les étrangers.
 

L’impuissance de la stratégie institutionnelle à gauche

 
Dans ce contexte, le dépôt par les groupes parlementaires insoumis, communiste, socialiste et écologiste d’une longue saisine argumentée pour convaincre les membres du Conseil constitutionnel de censurer de nombreuses dispositions de la loi ressemble à une voie plus que jamais sans issue.
 
Cette initiative parlementaire, déconnectée de tout plan de bataille pour combattre cette loi réactionnaire par une mobilisation d’ampleur, se contente de jouer loyalement le jeu des institutions dans une quasi-confidentialité, alors que le Conseil constitutionnel est très loin d’être une juridiction comme une autre, plus proche de l’organe législatif élu au suffrage indirect que du tribunal et conçu par son créateur Michel Debré comme le « chien de garde de l’exécutif » face au Parlement.
 
Pour rapprocher l’examen de la nouvelle loi immigration d’un cas comparable lorsque le loi asile et immigration de 2018 était passé devant le Conseil constitutionnel, sur une vingtaine de dispositions pointées par la gauche dans sa saisine, seules 4 avaient été censurées, l’essentiel de la loi, restreignant l’exercice du droit d’asile et élargissant le recours à la rétention administrative, avait été validé.
 
Le travail du Conseil de la rue de Montpensier, qui dispose d’un mois pour rendre sa décision attendue pour le mois de janvier, consistera à apposer sur la loi immigration les ultimes amendements gouvernementaux en censurant parcimonieusement parmi les concessions faites à la droite afin d’alléger quelque peu le poids de la surenchère qu’a connu ce texte. En l’absence de plan de bataille à la hauteur de l’attaque que constitue cette loi, la saisine déposée par la gauche institutionnelle a un caractère routinier et purement parlementaire dont on ne peut pas attendre qu’elle vienne mettre un coup d’arrêt au recul considérable des droits des étrangers auquel nous assistons.
 
La lutte contre la loi immigration, qu’il s’agisse de la version initiale du gouvernement, de la mouture durcie de la droite parlementaire ou du texte plus ou moins allégé qui sortira sans doute du Conseil constitutionnel le mois prochain, ne peut se mener que par une mobilisation sur les lieux de travail et d’études, ce qui exige des directions du mouvement ouvrier qu’elles prennent leurs responsabilités et construisent un plan de bataille pour obtenir le retrait total de la loi.


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