« Le monde de la loi El Khomri est un monde sans règles. Ils appellent ça la liberté. Mais entre le patron et l’ouvrier, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui protège. » Mélenchon, s’adressant à une foule hétérogène majoritairement hostile à la loi travail, a avec sa verve habituelle souligné, dès l’ouverture de son discours, la réalité de la précarité et des souffrances liées à nos conditions de travail. Il a également « attaqué » frontalement le gouvernement de Hollandeet les institutions de la Ve République : dénonciation des « postures parlementaires » des députés, du recours à des méthodes anti-démocratiques, avec en arrière-plan sa défense de la « vraie démocratie » et de son projet de VIe République.

Mélenchon a raison, la mobilisation contre la loi travail va effectivement plus loin que la contestation de ce projet de loi. De fait, toute une partie de la population découvre le visage d’un gouvernement aux politiques anti-sociales et autoritaires, et s’en insurge : l’instauration et la prolongation de l’état d’urgence suivi de près par un projet de loi destructeur pour l’ensemble des travailleurs.es. Un projet que le gouvernement a fait passer en force par le recours au 49.3, mais aussi grâce à la mise en place d’une répression sans précédent du mouvement social. Aujourd’hui, alors que la construction de la grève générale apparaît comme la réponse politique permettant d’obtenir le retrait du projet de loi, Mélenchon semble proposer une autre voie : celle éventuellement d’un référendum citoyen, mais surtout celle d’un début de rassemblement des « citoyensinsoumis » pour remporter la bataille avec les présidentielles de 2017 –c’est-à-dire en accédant au pouvoir par les urnes.

Pourtant, pour « changer notre monde », améliorer nos conditions de travail, en finir avec le capitalisme, la violence d’État,les lois racistes, l’exploitation de la majorité par une minorité, ce sont en réalité les travailleurs auto-organisés et les secteurs à la pointe de la mobilisation, d’autant plus que la question de la construction de la grève générale est au cœur de nos préoccupations actuelles, qui sont en capacité d’avancer des « revendications démocratiques » et de porter un « programme d’urgence » pour lutter simultanément contre l’autoritarisme et la répression, et contre la précarité et le chômage de masse.

Mélenchon nous inviteà « rêver fort » et plus concrètement nous promet de « remettre 100milliards d’euros » dans les services publics et « le 100% d’énergies renouvelables ». « Pensez fort, imaginez fort et cela suffira ». Face à la démonstration quotidienne de la force de ce contre quoi nous luttons, comme l’illustre Hollande et sa loi travail au service du patronat qui tentent de nous faire payer au forceps la crise de leur système, le programme proposé par Mélenchon est bien plus qu’insuffisant. S’il est juste de vouloir poser les bases d’une nouvelle société, et qu’il est vrai que la seule revendication du retrait total de la loi travail ne suffit pas, il s’agirait de développer un vrai programme d’urgence, prenant aussi en compte de l’urgence climatique, capable de s’adresser « aux sans-rolex, sans costards, les assignés à résidence » ou plutôt aux travailleur.ses, aux précaires, ainsi qu’aux jeunes des quartiers populaires et aux chômeurs. Ainsi, la précarité et le chômage dont parle Mélenchon ne pourront notamment être combattus que par la défense du partage du travail entre tous et toutes, à commencer par les 32 heures et sans baisse de salaire. Mais aussi un vrai travail pour tous et l’interdiction des licenciements, alors même que le gouvernement au service du patronat veut nous imposer la précarité pour tous.