Tous les ministres, y compris les derniers en date, « socialistes », étaient absolument au courant. C’est ce qu’a mis en lumière Le Canard Enchaîné dans son numéro de la semaine. Joaquin Masanet, un ancien CRS, dirigeant indéboulonnable du syndicalisme policier (Unsa Police, on l’aura compris), a su couler une retraite paisible aux frais du contribuable, avec la bénédiction de ministres qui mettaient à sa disposition jusqu’à 43 flics détachés, dont certains occupaient des emplois fictifs, pour faire vivre l’Anas.

À l’Anas, dont « l’action sociale » est aussi fictive que l’utilité des flics dans la société (si ce n’est pour défendre l’ordre et la propriété des riches), on ne buvait que du Ruinart. Les frais de restaurant de Masanet, qui devaient sans doute en avoir marre du casse-croûte jambon-fromage pris dans le fourgon de CRS avant les manifs, s’élevaient en moyenne à 180 euros. Pour ce qui est des « frais de repas », l’Anas savait ne pas se montrer pingre : 14 500 euros pour la seule année 2014, le tout pour quelques cocktails et dîners, donnés en compagnie des fonctionnaires de la Place Beauvau qui ont été largement arrosés (dans tous les sens du terme).

Depuis la révélation de l’affaire judiciaire, il y a un peu plus d’un an – et la mise à l’index de Masanet, remplacé par un autre ex-syndicaliste CRS, Pierre Cavret –, la Place Beauvau fait un peu plus attention avant d’apposer sa signature en bas des factures et autres notes de frais, mais pas complètement non plus. Symptôme de la force des syndicats de flics, alors que Cazeneuve avait menacé de couper les cordons de la bourse de l’Anas, on a quand même laissé au service Cavret 20 fonctionnaires détachés.

Pendant des années, en revanche, le contribuable, pour peu qu’il soit un peu gauchiste de surcroît, a payé doublement. D’abord pour se prendre quelques coups de matraque en manif, et en plus pour payer le champagne de ces messieurs.

Une chose est sûre, dans cette histoire encore : la justice et l’État sont plus tendres avec les « syndicalistes » policiers et les gros bonnets de la FNSEA qu’avec n’importe quel militant ou syndicaliste ouvrier.