On sait qu’en France, depuis deux semaines, déjà, il est possible de manifester, encagoulé, et l’arme à la ceinture, quand on est policier, voire même de marcher sur l’Elysée. En période d’état d’urgence, en revanche, il n’est pas possible de faire de blague à l’antenne, et encore moins de second degré.

Jeudi 20 octobre, entre deux morceaux de musique punk, deux animateurs de la radio lyonnaise s’interrogent sur les manifestations policières en cours, dans la ville. « En ce moment, y a une manif de flics à Bellecour », lâche le premier. « Avis à tous les suicidés, avis à tous les suicidaires : que votre dernier acte de vie soit utile, faites-vous sauter dans la manif des flics », poursuivent-ils. Et d’enchaîner : « On vous fera un bel enterrement avec une belle boum ».

Il n’en a pas fallu davantage pour que cinq agents de la police judiciaire et une procureure se rende dans les locaux du 102.2 FM mardi 25 octobre dans la matinée pour saisir les enregistrements du jeudi précédent. Ce qu’on reproche aux deux animateurs et ce sur quoi enquête la police ? « Provocation au terrorisme », rien de moins.

Rien de mieux, pour faire taire les voix dissonantes, que de menacer d’une lourde amende et faire planer au-dessus de la tête de ceux qui pensent différemment une peine de prison ferme. L’état d’urgence rend tout permis. Une fois de plus, on voit comment il sert davantage à cibler les militants et la gauche radicale plutôt qu’à ses objectifs officiels.

« Rebelle, sans publicité, sans salarié, dit le communiqué de la radio, Radio Canut ne demande son CV et ses papiers à personne et fait faire le ménage à tout le monde.
Radio Canut est et restera un espace où s’exprimer en dehors des codes de la bienséance académique. Longue vie à Radio Canut ! ». Et, au passage, à bas l’état policier.